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BOUDU

Jeanfi Janssens : Excès en vol

Jeanfi Janssens, comment se fait-il que vous soyez passé aussi vite, et sans difficulté, des cabines d’Air France aux scènes des théâtres parisiens ? Peut-être parce que l’avion, c’est déjà du théâtre. On porte un costume, on est en représentation. Il y a un rideau, on disparaît derrière, et les gens se demandent ce qui se trame dans les coulisses. C’est pareil. Sauf que les passagers ne paient pas pour rire, mais pour arriver à bon port ! C’est vrai, mais ça ne rend pas le rire inutile. Quand quelqu’un débarque à Paris et que sa valise est à San Francisco, c’est mieux si on a de l’humour pour lui annoncer la chose ! De là à prendre un congé sabbatique pour tenter sa chance sur scène… J’ai toujours fait marrer les collègues et les passagers, mais je n’avais jamais imaginé aller plus loin. C’est Pénélope, une copine de Toulouse, hôtesse de l’air, qui m’a poussé à tenter ma chance. En 2014, elle m’a inscrit d’office au concours du Printemps. J’ai fait les sélections à Paris et je suis arrivé en finale à Toulouse. Finaliste sur 400 candidats. J’en revenais pas !


Votre retour au Printemps du rire pour le gala du 3 mai aura certainement une saveur particulière… Oui, d’autant plus que vont se produire pendant cette soirée des vainqueurs des éditions précédentes. Ça me fait plaisir d’y contribuer. C’est une façon de montrer la qualité de ce festival, qui est un peu en danger. Le Printemps du rire, c’est tout sauf une machine à fric. C’est un festival qui met les artistes en avant. Pas d’histoire de producteurs, d’influences, de magouille. Le jury est autonome et le palmarès toujours intéressant. Vous aviez écrit des sketches spécialement pour le concours ? J’ai simplement structuré des anecdotes sur ma vie personnelle et ma vie de steward. Depuis que j’ai commencé ce métier, il y a 17 ans, je prends des notes. Dans un avion, se côtoient de près des gens qui, au sol, ne se fréquenteraient pas. C’est un cocktail explosif d’humeurs, de caractères et de situations. C’est un super laboratoire comique. Steward, c’était une vocation ? Un hasard. À 20 ans, je suis descendu à Montpellier par amour et pour faire fortune. Trois ans plus tard j’étais célibataire et criblé de dettes. J’ai vu passer une pub dans un journal, pour le recrutement de stewards chez Air France. Quelques jours après, je commençais la formation. Ça m’a fait bizarre parce que je n’avais jamais mis les pieds dans un avion. J’ai trouvé ça magique. Magique ? Ça me parle, moi, les clichés sur l’avion. Le prestige, tout ça, et le mystère de cet appareil qui s’envole. Ça m’étonne toujours quand un avion décolle. Sur le moment, je me dis : « Mais comment fait ce truc pour se lever ? ». C’est que je suis pas pilote, moi. La physique, je m’en branle !  Ce que je vois, c’est qu’on est chargés comme des bourriques et qu’on arrive à s’envoler dans le ciel. Que s’est-il passé après votre finale au Printemps du rire 2014 ? J’ai commencé à jouer le dimanche dans un petit théâtre parisien, tout en restant steward. On s’arrachait les cheveux pour le planning.

À 20 ans, je suis descendu à Montpellier par amour et pour faire fortune. Trois ans plus tard j’étais célibataire et criblé de dettes. Et puis ? Et puis le grand saut. J’ai pris deux ans de congé sabbatique pour lancer le spectacle. Il y a eu des hauts et des bas. Quelques mois de loyer impayés, quelques Cofidis débloqués. Des salles pleines, et des salles vides. Et puis des festivals, comme Avignon l’été dernier, qui ont servi de déclic.

Vous parlez très facilement de vos échecs. Dans votre spectacle, d’ailleurs, on rit souvent à vos dépens… Mon moteur c’est l’autodérision. C’est ma façon de me disculper pour pouvoir me moquer des autres, surtout de ma mère ! Quand j’ai commencé à faire rire d’elle, elle m’a dit : « Gamin, si quand tu me dézingues, ça fait rigoler, alors vas-y ! Dézingue ! ». Comme je pense tenir ma nature comique de ma mère, son approbation me permet de rester moi-même. Sur scène, je fais même mon coming out. J’en fais pas des caisses avec ça. Je le dis simplement parce que le savoir permet au public de comprendre pas mal de choses.

Avant de percer avec votre one man show, vous avez participé à deux émissions de télé. La première avec Arthur, la seconde avec Stéphane Plaza. Vous espériez être repéré par un producteur ? Ça peut paraître bizarre, mais non ! L’émission d’Arthur, c’était un jeu super con. On ouvrait des boîtes, et il y avait de l’argent dedans. Quand on sait les efforts qu’il faut faire pour gagner un dico à Questions pour un champion, on prend la dimension du truc. À l’époque je croulais sous les dettes (l’histoire de Montpellier, dont je vous parlais tout à l’heure). Je devais 90 000 € après la faillite de ma boutique de fringues. Je me suis amusé comme un fou avec Arthur à la télé, et j’ai gagné 150 000 €.

Et sur M6 avec Plaza, alors ? C’était vraiment pour trouver un appart ? Ben oui ! Quand je fais les choses c’est souvent au premier degré. Je venais d’arriver à Paris, je vivais chez une copine qui voulait vendre son appart. Et pendant que je faisais mes cartons, j’ai vu cette émission : Recherche appartement. J’ai postulé, ils m’ont pris. L’appart, je l’ai pas eu parce que j’ai pas eu l’accord des banques. Mais avec Stéphane, j’ai gagné un bon copain. Il a été l’un des premiers à venir me voir sur scène, et on se retrouve régulièrement aux Grosses Têtes.

Les Grosses Têtes, justement, vous ont fait passer brutalement du café-théâtre à une audience de 1,8 millions de personnes… Quand Laurent Ruquier m’a appelé en octobre, je jouais au théâtre BO Saint-Martin dans une salle de 70 places, avec parfois 15 personnes dont 6 invités.  Aujourd’hui je joue au Grand Point Virgule devant 400 personnes. Tous les jours je me dis qu’il faut que je me montre digne de cette chance et de cette main tendue. Autant dire qu’à la fin de votre congé sabbatique, vous n’allez pas revenir chez Air France…  Je ne sais pas encore. Ils viennent de me proposer de prolonger le congé d’un an…

Jeanfi Janssens – Jeanfi décolle Du 20 au 22 avril au Citron Bleu Le 3 mai au gala du Rire

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