top of page

Le goût d’Odyssud – Henri DalemFermée

Dernière mise à jour : 5 janv.

Fermée pour travaux, la salle blagnacaise entame une nouvelle saison hors les murs. Son nouveau directeur, le metteur en scène  Henri Dalem, prépare déjà la réouverture de 2025, pour laquelle il entend ajouter la saveur de la nouveauté, à ce qu’il appelle « le goût d’Odyssud ». 



Connaissiez-vous Odyssud avant de vous porter candidat à sa direction ? Mon premier contact avec la salle a eu lieu lors du recrutement. Je n’ai assisté à aucun spectacle sur place, ni même vu le lieu vivre. Je ne suis pas le seul dans ce cas : lorsque nous rouvrirons en 2025, une grande partie de l’équipe renouvelée verra pour la première fois le public entrer dans la salle.


Quelle perception en avez-vous ? Pour construire mon projet, j’ai entrepris un travail de découverte d’Odyssud. En m’attardant sur le livre édité par Privat pour les 30 ans de la salle, je me suis découvert une grande proximité avec son public, parce qu’un grand nombre de spectacles qui ont marqué mon parcours de spectateur sont passés par Odyssud.


Vous avez mis en scène des spectacles jeune public. L’engagement d’Odyssud dans ce domaine a-t-il pesé dans votre souhait d’en prendre la direction ? Cela a même été déterminant. Je suis venu au jeune public par hasard avec la Compagnie de quat’sous, et j’ai considérablement développé cet axe par la suite.


Qu’est-ce qui vous plaît tant dans le spectacle jeune public ? Travailler pour les enfants oblige à faire preuve d’exigence et de responsabilité, parce qu’un spectacle peut marquer plus profondément un enfant qu’un adulte. On peut allumer en eux des phares qui brilleront toute leur vie. Et puis c’est un public facile à comprendre. Quand il aime, on s’en aperçoit vite. Quand il déteste, aussi !


Quels sont vos projets pour Odyssud en la matière ? J’aimerais proposer des spectacles dans la grande salle. Il y a peu de propositions artistiques de cette envergure, parce que les compagnies de théâtre jeune public calibrent leurs créations pour de petites salles. Pour autant, j’ai le projet de proposer aux enfants de grands spectacles sur le grand plateau.


La programmation hors les murs 2023-24 est-elle de votre tonneau ? Elle a été conçue par mon prédécesseur Emmanuel Gaillard mais elle me correspond parfaitement. Ces programmations hors les murs demandent un travail colossal de coordination avec les salles qui accueillent les spectacles Odyssud, mais elles offrent aussi des opportunités. On verra de la danse sur glace à la patinoire de Blagnac, du théâtre sous chapiteau au parc des Ramiers, et un grand ballet au Théâtre de la Cité.


À quoi ressemblera la saison 2025-26 ? Ce qu’on peut dire pour le moment, c’est qu’on retrouvera le goût d’Odyssud. Mais attention : « le goût d’Odyssud » ne signifie pas pour autant qu’on repassera les plats !


Qu’attendez-vous de ces années à la barre d’Odyssud ? J’ai dirigé pendant six ans le théâtre des Pénitents de Montbrison, comparable à Odyssud sur le plan administratif puisqu’en régie directe, mais beaucoup plus modeste. Ce qui m’attire ici, c’est l’impact de cette salle sur son territoire. Quand un spectacle reste ici pour une dizaine de représentations, la part de la population locale qui a assisté au spectacle est colossale. Je suis convaincu que le théâtre sert à créer du commun. De par sa taille, son histoire, Odyssud est une des salles qui peut en créer le plus.


Quelle sera votre ligne directrice ? La recherche de sens. Si l’on veut que le public se rende encore au théâtre dans 25 ans, si l’on veut que le public quitte son canapé et Netflix, il faut choisir les spectacles qui racontent vraiment quelque chose.


Cela signifie-t-il renoncer au divertissement pur ? Non, puisqu’un grand divertissement peut aussi avoir du sens.


Comment déterminer, dès lors, ce qui a du sens et ce qui n’en a pas ? D’abord en ne se satisfaisant pas des « bons moments ». Des spectacles bien faits qui font dire au spectateur à la sortie « J’ai passé un bon moment », il y en a beaucoup. Des spectacles qui font vivre un « grand moment », pensé par des artistes engagés dans leur époque, c’est déjà plus rare, et ce sont ces spectacles qui donnent du sens. De plus, au-delà de la programmation, on donne du sens en apportant de la proximité, en créant de la familiarité avec le public. Le fait que la salle de spectacle soit en réseau avec une ludothèque, une médiathèque, un conservatoire, une salle d’exposition, permet de penser la programmation à l’échelle d’un centre culturel.


Qu’entendez-vous par « artiste engagé dans son époque » ? Ce n’est pas un artiste militant. Ce n’est pas non plus un artiste qui ne traite que de sujets qui font la une des journaux. C’est quelqu’un qui a chevillée au corps la volonté que le spectateur sorte de la représentation en portant sur le monde un regard différent de celui qu’il portait en entrant. C’est simple, mais c’est déjà énorme. C’est sans doute valable pour tous les arts, mais ma propre expérience de spectateur me fait penser que c’est la grande force du spectacle vivant.


Comment le spectacle vivant est-il entré dans votre vie ? Par la musique. J’ai vécu mes premières émotions de spectateur dans les concerts. Je me souviens d’une représentation de Persée, de Lully. Autant c’était aride et glacé quand j’écoutais le disque, autant le spectacle rendait tout cela vibrant et prenait aux tripes.


Êtes-vous musicien vous-même ? J’ai pris des cours de piano, enfant, mais je ne suis pas fait pour cela. C’est sans doute la raison pour laquelle je me suis tourné vers le théâtre. J’ai eu la chance d’avoir des enseignants qui m’ont souvent emmené au théâtre. Comme j’ai grandi à Paris, j’ai eu la possibilité de voir quantité de choses, et de profiter d’une variété de spectacles extraordinaire.


Parmi ces spectacles, lequel vous a laissé le souvenir le plus marquant ? Au collège, j’ai vu le Tartuffe d’Ariane Mnouchkine. Je me souviens de certains passages comme si je les avais vus hier. Sur le moment j’avais l’impression que Molière était là, avec nous, et en même temps, l’intrigue transposée dans une théocratie islamiste faisait écho à ce qui se passait en Algérie et en Iran. Tout d’un coup le théâtre classique se mettait à dialoguer avec l’actualité, et une artiste utilisait le patrimoine pour parler du monde d’aujourd’hui.


Vos fonctions de directeur de salle et de programmateur n’ont-elles pas érodé ce grand plaisir de spectateur ? Je vois au moins 150 spectacles par an. Le risque, effectivement, c’est de s’assécher, de se faire une opinion d’un spectacle en quinze minutes, et de ne pas se laisser toucher parce qu’on n’a pas le temps pour ça. Il faut à tout prix l’éviter.


Comment ? Qu’on soit professionnel ou pas, il faut laisser parler le sensible. Il faut fendre l’armure, et s’exposer à ce qu’on n’attend pas. On est tous très heureux de voir au théâtre de grands spectacles qu’on connaît, et de grands comédiens qu’on aime, mais il faut se laisser surprendre. À son arrivée à la direction du théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes disait : « Il faut faire aimer au public ce qu’il ne sait pas encore qu’il aime ».


Quand le budget est serré, comme c’est le cas ces temps-ci pour la plupart des familles, s’exposer à la nouveauté n’est pas une évidence. On préfère généralement les valeurs sûres…  Je pense justement qu’un équipement comme Odyssud doit permettre ce pas de côté. Il y aura toujours cet engagement très fort pour accueillir les grandes formes et les spectacles que le public attend, mais on peut aussi en profiter pour s’offrir un petit frisson de découverte. Au fond, le spectateur n’attend que ça. Il est heureux quand on lui dit qu’il sera l’un des premiers, à Odyssud, à voir tel ou tel artiste ou tel ou tel spectacle prometteur.


Votre cv mentionne un séjour au cours Florent, pourtant vous n’avez jamais joué la comédie. Pourquoi ? J’ai un tout petit peu joué pour remplacer des comédiens, mais déjà en entrant au cours Florent, je savais que j’étais fait pour la mise en scène davantage que pour jouer la comédie. Les grands comédiens savent s’offrir complètement au public quand ils entrent sur scène, et lâcher prise. Et moi, j’en suis incapable.


Henri Dalem, directeur d'Odyssud

bottom of page