Après avoir remis au goût du jour le tardif, un cépage longtemps abandonné pour sa maturité trop lente, les vignerons de Plaimont viennent d’inaugurer un chai expérimental pour continuer à explorer les vertus de leurs cépages autochtones.
À Plaimont, on en est sûr, on peut être fiers de ses aînés sans tourner le dos à la modernité. Parce qu’au fond, les choses sont immuables selon Olivier Bourdet-Pees, le directeur général des caves coopératives gersoises. « La viticulture s’est toujours adaptée au fil des siècles, de manière pragmatique, en essayant de mettre le meilleur cépage au meilleur endroit et au meilleur moment. » Une recherche constante de la meilleure adéquation contrariée, selon ce natif de Jurançon, par l’arrivée des appellations d’origine contrôlée (AOP) qui ont entraîné « une certaine inertie administrative qui empêche d’évoluer. »
Un chiffre pour l’illustrer : en France, aujourd’hui, avec 20 cépages, on produit 91 % du vignoble français contre 53% après-guerre. « La perte génétique est colossale. Tout le monde s’est recentré sur les cépages vendeurs comme le merlot qu’on a planté partout, y compris dans des régions peu adaptées comme le Languedoc. » Une approche « marketing commerciale » que l’homme se réjouit ne pas avoir vu se développer dans sa région. « Le Sud-Ouest, avec moins de succès commercial il faut le reconnaître, est resté très fidèle à ces cépages locaux. À Plaimont, nous développons une viticulture qui ne possède pratiquement aucun des vingt grands cépages qui font le monde du vin en France et dans le monde. Nous ne travaillons que des cépages très locaux, adaptés à un climat très particulier. »
Bien que moins exposé à la standardisation viticole, le Gers n’en a pas moins vu un certain nombre de ses cépages disparaitre au profit d’autres variétés, certes locales, mais non moins expansionnistes comme le tannat ou le Petit manseng. Mais au pic de la perte de diversité, au cours de la décennie 70-80, le vignoble a eu la chance de compter dans ses rangs deux énergumènes, André Dubosc, directeur de la cave flanqué d’un technicien viticole zélé Jean-Paul Houbart, qui se sont mis en tête de recenser toutes les vieilles vignes avant qu’elles ne soient arrachées.
39 cépages disparus, dont 12 complètement inconnus, ont ainsi été inventoriés. Un coup de génie pour Olivier Bourdet-Pees tant la période n’était alors pas propice à ce type de démarche. « Dans les années 80, ce n’étaient pas les préoccupations de l’époque. Il existe d’ailleurs des régions qui ont rayées de la carte en termes de biodiversité. »
Sans aller jusqu’à prêter à ses prédécesseurs l’intuition que cette diversité constituerait une richesse, l’actuel directeur de la cave de Plaimont mesure tous les jours l’importance de leur travail. Un travail qui, en s’étoffant, avec notamment la mise en place d’un conservatoire en 2002, constitue une réponse aux grands changements environnementaux et aux attentes des consommateurs « de plus en plus préoccupés par la perte de diversité et désireuse de découvrir d’autres goûts ». Avec l’idée maîtresse qu’un cépage doit être au diapason des attentes de la société. « On s’aperçoit que ceux que nous avions choisis il y a 50 ans n’étaient plus forcément adaptés, et qu’il fallait revisiter certains de nos cépages locaux abandonnés pour chercher de nouvelles solutions. ».
Dans le viseur du binôme, le manseng noir, un proche cousin du tannat, qui a failli disparaître en raison d’un degré d’alcoolémie insuffisant, et qui est aujourd’hui cultivé sur 29 hectares. « Ce n’était pas une erreur de le mettre de côté, mais c’en aurait été une de l’abandonner. Il nous offre l’opportunité de produire des vins plus digestes sur des terroirs où les conditions ont changé. »
C’est animé du même état d’esprit qu’il a reconsidéré le tardif, dont la faiblesse -un cycle végétatif plus long- s’est transformée en force à la faveur du réchauffement climatique. Après 15 ans d’études et d’observations, le tardif reçoit, en 2017, l’autorisation d’être à nouveau cultivé, avant de recevoir l’agrément pour intégrer l’AOC Saint-Mont (en assemblage pour commencer) avant, Olivier Bourdet-Pees en est persuadé, de monter en puissance : « Même si le tannat restera le plus grand cépage de l’appellation, je suis convaincu que le tardif fera partie de l’avenir de notre territoire. »
Pas question, dès lors, de s’arrêter en si bon chemin. D’où la création, en début d’année, d’un chai expérimental grâce au concours de la région Occitanie et de l’État, pour vinifier les très petites quantités, indispensable pour explorer le potentiel d’encépagement du Gers. « On ne sait plus quel est le goût de ces cépages. Avant de commencer à les réintroduire en quantité chez un vigneron, il faut avoir quelques garanties. Sur les 39 cépages répertoriés, nous allons cette année en vinifier 17, que l’on va redécouvrir. C’est un formidable outil pour le développement et la mise en valeur de ces cépages. Il servira Plaimont et à tous les vins du Sud-Ouest. »
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