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BOUDU

Manu Galure : J’irai chanter chez vous

Politiques, écrivains, philosophes, imams : tout le monde marche. Vous avez succombé à la mode ? Même Jérôme Kerviel s’y est mis ! Mais les écrivains et les philosophes marcheurs, c’est très ancien. Aujourd’hui, ils le voient comme une forme de contemplation et de résistance à l’accélération des modes de vie. Les politiques, eux, l’habillent d’un discours sur le « retour aux valeurs essentielles du territoire »…

Et vous ? Moi, c’est plus simple. Je suis déjà très lent dans mon métier et mes loisirs, et je pense depuis très longtemps à faire un tour de France à pied. J’aime la marche et les longs moments de solitude. J’ai peut-être trouvé un équilibre entre les randonnées solitaires et les tournées aux sollicitations constantes.

Sur ce projet, vous convoquez l’image du troubadour… Le fait de marcher et jouer m’a fait penser à eux alors je me suis documenté. L’histoire de ces premiers poètes d’Europe en langue vulgaire et originaires d’Occitanie fait écho à mon projet. Même si je me suis rendu compte que c’étaient des nobles lettrés, et pas des prolétaires qui marchaient avec un baluchon sur le dos !

Tous les neufs mois, un album dédié à une saison sortira à l’équinoxe ou au solstice. Marcher, c’est vivre avec les saisons ? Oui, et l’imagerie des troubadours est intimement liée aux saisons. L’amour au printemps, les jeunes filles en fleurs, c’est eux. Ça paraît éculé, mais c’est parce que ça fait 1 000 ans qu’on nous le ressort !

Comment avez-vous choisi l’itinéraire ? C’est très compliqué. J’y travaille avec Philippe Pagès, l’ancien propriétaire du Bijou, qui a un carnet d’adresses incroyable. On a mis sur une carte les salles dans lesquelles j’ai joué depuis 15 ans, ou qui font de la chanson. On a relié les points et ajouté une étape tous les 25 kilomètres. Ensuite, Philippe Pagès a fait usage de toute sa débrouillardise pour trouver des lieux de concert.


Y a-t-il des régions plus réceptives que d’autres ? Ça a été plus facile dans le Sud-Ouest et en Bretagne, où j’ai beaucoup tourné. Pour le reste, ça tient beaucoup aux politiques culturelles locales. Mais même dans les « déserts culturels » on trouve toujours une asso, un bar qui a envie de faire des choses. Et comme la tournée est peu coûteuse, on peut aller dans des lieux qui ne pourraient pas nous accueillir d’habitude.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup vous proposent un lit, une flammekueche… Je ne m’attendais pas à cet engouement. Les gens s’emparent de ce machin en y projetant leur imaginaire. Et comme c’est une idée farfelue, ça leur donne des idées farfelues. On se retrouve dans des lieux atypiques : un hôpital psy, l’École nationale d’administration pénitentiaire, des cafés littéraires, chez l’habitant…

C’est un moyen de toucher les publics éloignés de la culture ? Ce serait formidable. Mais bon, ça fait un peu Évangile selon Saint-Matthieu, où l’on va porter partout la sainte parole de la culture verticale. Et je me fous de propager la culture. L’espoir, c’est que le projet interpelle les gens, qu’ils aient envie de venir, et que ça leur plaise.

Vous avez peur du bide ? Il faut que la tournée soit viable économiquement… Mais surtout, jouer devant quatre personnes – comme devant 100 000 d’ailleurs – c’est chiant. Cent, c’est bien.

Après de grands concerts, c’est un prétexte pour revenir à plus d’intimité ? Je n’ai jamais vraiment arrêté les piano-voix en parallèle des tournées « machine de guerre ». C’est un format que je maîtrise mieux. C’est aussi dans l’esprit des troubadours, et ça permet d’être dans un mode proche de la conversation quotidienne avec le public.

Jouer et dormir chez les gens, c’est une façon de casser le mythe de l’artiste inaccessible ? Le côté paillettes et artiste inaccessible, c’est une posture que chacun décide de prendre ou pas. Et comme le genre de chansons à texte que je fais n’intéresse pas grand monde, ceux pour qui je suis une icône intouchable sont plutôt rares… Mais je n’aime pas non plus qu’on me tripote gratos !

Ça ressemblera à quoi une journée de troubadour ? À cinq heures de marche le matin avec repas sur la route, sieste en arrivant, lecture, écriture, préparation du spectacle, concert, repas, au lit, et on recommence.

Comment on remplit son sac ? Le poids, c’est le nerf de la guerre ! Il y a toute une communauté secrète sur la marche ultra-légère sur internet : les MUL. Sur leurs forums, j’ai appris à ne prendre que le strict nécessaire. D’ailleurs, j’ai dû me résoudre à ne pas prendre mon dictionnaire.

Et pour le costume de scène ? En short et t-shirt plein de sueur sur scène, l’ambiance n’est pas la même ! J’ai trouvé un pantalon et des chemises de marche élégants et très légers qui se lavent à l’eau et sèchent très vite.

Et les chaussures ? Ça ne se choisit pas à la légère ! Je vais en user quatre paires sur deux ans. Comme je n’allais pas monter sur scène avec de gros godillots orange, j’ai trouvé un compromis : des chaussures de marche en cuir basses, souples et élégantes. Allemandes. Les marcheurs sauront de quoi je parle…

L’itinéraire prévu est très goudronné. Vous n’êtes pas tenté par les chemins de traverse ? Si ! Ça va faire hurler les  gens, mais Google maps a une capacité remarquable à trouver de petits sentiers. En Ariège, il m’a guidé sur un chemin très sauvage rempli de ronces où j’ai dû passer à quatre pattes. Je vais pouvoir faire du bartàs, comme on dit chez nous !

Manu Galure est toujours à la recherche d’un hébergement ou d’un lieu de concert sur certaines dates de sa tournée. Si vous avez une vieille tante avec une chambre d’amis dans le Limousin ou les Alpes : manugalure.com/la

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