Sébastien Vincini, le premier secrétaire du PS 31, rappelle une vieille règle en politique : « Quand on veut faire taire une rumeur, on y arrive. Si elle revient, c’est peut–être qu’elle n’est pas tue… » La rumeur en question ferait de Nadia Pellefigue une candidate au Capitole en 2020 (ou 2021), rejoignant ainsi Catherine Lemorton et Nicole Belloubet dans le clan des femmes politiques auxquelles on prête des ambitions municipales. Le moins que l’on puisse dire est que dans ce prestigieux casting, la jeune femme souffre d’un déficit de notoriété. Pourtant, la plupart des observateurs de la vie politique ne tombe pas de l’armoire à l’évocation de cette hypothèse. Pourquoi ? Tout simplement parce que pour le landerneau, Nadia Pellefigue est tout sauf une novice. À même pas 40 ans, elle figure parmi les personnalités qui comptent dans la grande région Occitanie. Une relative précocité qu’elle doit en partie à son atavisme familial.
Interphone et escargots Sa naissance à Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône, n’a rien d’anecdotique. Chez les Pellefigue, on veut changer la société. Bien qu’ingénieur agronome de formation, le père a fait le choix politique d’être un « établi », un ouvrier militant maoïste qui rentrait dans les milieux de production pour y semer un climat prérévolutionnaire. En poste à Saint-Nazaire, haut-lieu du militantisme, il fait partie des premières charrettes quand surviennent les licenciements, et atterrit à La Ciotat, l’autre gros chantier naval hexagonal. C’est donc dans un milieu ouvrier (la mère travaille à l’usine) très à gauche, que grandit Nadia Pellefigue. Et ce milieu militant détermine un certain nombre de règles éducatives, comme par exemple l’absence de télé, « pour des raisons financières puis plus tard éducatives et idéologiques. Mes parents trouvaient qu’elle n’était pas un vecteur d’information », ou de poupées Barbie, considérées comme « le symbole de l’impérialisme américain ». Sans pour autant éprouver un quelconque sentiment de marginalisation : « Je comprenais les raisons de ces interdits. Et puis j’avais le droit de faire d’autres choses, comme élever des escargots sous mon lit ! » L’arrivée à Toulouse, alors que Nadia a quatre ans, marque un changement des conditions de vie chez les Pellefigue : pendant que le père passe le concours de prof (SVT), la mère reprend ses études et devient éducatrice de jeunes enfants. De son installation aux Pradettes, nouveau quartier des classes moyennes du Mirail, Nadia Pellefigue conserve un très bon souvenir : « Des immeubles neufs, confortables, avec des champs autour. Il y avait un interphone, je trouvais ça super. »
Tu ferais mieux de lire le Diplo ! Même si les parents sont moins au front qu’auparavant, ils demeurent des militants associatifs actifs. Le terreau est propice à l’éveil politique. Un militant très connu dans les quartiers, Jean-Paul Fonvieille, va jouer un rôle majeur dans l’éveil de la jeune fille. « Il venait à la maison tous les dimanches matin parce qu’il courait avec mon père. On avait de grandes discussions politiques. » Par ailleurs, elle découvre les inégalités sociales inhérentes au quartier : « La plupart de mes camarades de classe sont d’origine maghrébine. Je vois bien qu’ils sont confrontés à des situations différentes, que c’est compliqué de rentrer dans certains endroits. Et puis il y a ces tracts distribués devant le collège, qui disent l’infériorité des arabes ou des noirs, leur ressemblance avec les singes. Je me dis qu’il faut combattre. Et donc, militer. »
Testings et grèves Ce sera au sein de l’association Ras l’front (RLF) que débute son émancipation militante. Puis la grosse bascule s’opère au lycée, au Polyvalent où elle participe à plusieurs testings à la sortie des boites de nuit. Son engagement s’étend ensuite au féminisme lorsqu’elle commence à voir ses amis, victimes de discriminations, en commettre à leur tour sur leurs sœurs, voisines ou cousines. Pour aller plus loin, elle relance, avec un groupe de copains, les CAL (comité d’action lycéen). « Je ne suis plus simplement adhérente mais je fais partie de ceux qui structurent. » C’est le début d’un militantisme plus régulier, où elle fréquente des jeunes appartenant à des structures politiques comme la LCR. Et puis en 1995, ce sont les grèves contre le gouvernement Juppé. « C’est mon premier gros mouvement et ça dépasse les seules réformes en cours. C’est la volonté d’une autre société. » Grande lectrice, notamment des Éditions de Pékin qui publiaient les œuvres de Lénine et Marx, elle se rêve alors journaliste : « Dans ce que je lis, je ne trouve pas ce que je vis. J’ai une fascination pour les mots, pour raconter, témoigner. Journaliste, cela me paraît utile et je le vois comme un métier de liberté. » À l’université du Mirail, où elle est inscrite en Histoire-Géo, elle ne tarde pas à se faire remarquer. L’Unef, trop liée au PS, ne lui convenant pas, elle décide, avec le groupe issu des CAL, de créer Sud Étudiant. Aux élections aux conseils centraux (les 3 conseils qui régissent la gouvernance d’une université), le jeune syndicat l’emporte. Si elle multiplie, en parallèle, les initiatives en faveur des sans-papiers, ou avec le DAL, elle ne milite pourtant pas au sein d’un parti, malgré un père adhérent au PS. « Il considère qu’il faut changer le parti de l’intérieur. Je ne suis pas d’accord car je le trouve trop timoré sur certains aspects. » Pour se faire une opinion, la jeune femme a la chance de voir défiler chez elle des pointures comme Mélenchon avec lequel elle ferraille, notamment sur la question du Tibet. « Je suis très faible intellectuellement, face à des gens qui ont une vraie culture et une maitrise du débat politique. Mais comme je suis jeune, ils font un effort de pédagogie en me disant par exemple : “Tu ferais mieux de lire le Diplo ! ” ». Elle se rapproche un peu plus de ce monde en choisissant de rentrer à Science-Po. Une révélation. « Je découvre qu’il existe une autre manière de poser des problématiques et d’y répondre. Il y a des concepts qui m’ouvrent un champ des possibles extra. Je me régale. »
À son arrivée à Toulouse, elle était effrayante pour une fédé ronronnante.
Passionnée par les études, elle s’organise pour assouvir sa passion. Avec une règle : pas question de compter sur la famille. « À 18 ans, je pars de chez mes parents parce que dans mon logiciel, à cet âge-là, on est autonome. » Elle enchaine donc les jobs chez Quick, dans une boutique de fringues, puis à Décathlon. Avant le véritable déclic, comme tant d’autres de cette génération, le soir du 21 avril 2002. « Voir Le Pen, au second tour c’est affreux. À ce moment là, je suis en couple avec un homme dont les parents sont de nationalité marocaine (il deviendra le père de ma fille), beaucoup de nos amis sont soit d’origine soit de nationalité étrangère. Et puis je me suis engagée en 1992 contre le racisme et 10 ans plus tard, il est au second tour. » Désormais, l’inscription politique est inévitable pour « essayer de transformer les choses et avoir une offre politique qui propose de nouveaux débouchés ». Même si tout n’est pas parfait au PS, le pragmatisme s’impose : « Le parti de masse à gauche, à ce moment-là, c’est le PS. Je me dis que pour s’adresser à des salariés, des employés, ce n’est pas à la LCR qu’il faut être, où il y a plutôt des professions intellectuelles, mais au PS. »
Décathlon et Emmanuelli Alors qu’elle prépare l’ENA, Françoise Castex, députée européenne, lui propose de devenir son assistante parlementaire. Même si elle ne connaît pas bien la question européenne, la proximité avec le débat sur le traité constitutionnel l’incite à accepter. Histoire d’être dans la machine « au moment où quelque chose d’important va se passer ». C’est à partir de ce moment que la jeune femme commence à s’engager plus fortement au PS en rejoignant les rangs de ceux qui militent pour le non, et notamment Henri Emmanuelli dont elle devient vite proche. Au côté de celui qu’elle qualifie de très « bienveillant à l’égard des jeunes militants en dépit de son fort caractère », elle apprend à vitesse grand V. Entre 2004 et 2009, siègent au Parlement européen tous ceux qui vont diriger le PS après 2009, à savoir Harlem Désir, Vincent Peillon, Benoit Hamon, Kader Arif ou Stéphane Le Foll. Et le statut d’assistant parlementaire y est plus intéressant qu’à l’Assemblée nationale. « On peut siéger en commission et la proximité avec les parlementaires est réelle. » Sans parler du syndrome expat’ : « Que ce soit à Bruxelles ou Strasbourg, les socialistes français se retrouvent le soir entre eux pour dîner. Vu que l’on n’est pas nombreux (12, ndlr), on est facilement identifiables. » Elle se retrouve ainsi à écrire des rapports pour d’autres parlementaires, comme Hamon, Peillon ou Savary. Pendant ce temps, à Toulouse, le nom de Nadia Pellefigue est (toujours) inconnu, y compris dans les rangs du PS. Jusqu’en 2008 où, dans la foulée du congrès de Reims où elle soutient la motion de Benoit Hamon, elle se trouve propulsée première secrétaire fédérale adjointe en Haute-Garonne. Un coup de tonnerre dont se souvient très bien Didier Cujives, actuel président du Conseil départemental du tourisme 31 : « Elle incarnait la fougue et une ligne bien à gauche. Elle était du coup effrayante pour une fédé ronronnante, sur des positions politiques plus consensuelles. » Pour Sébastien Vincini, elle incarnait le renouvellement exprimé au congrès de Reims : « À son arrivée, vu sa prestance, ses relations à Paris, on comprend vite qu’elle va compter dans les années à venir. » Mais c’est une période où il est difficile d’exister au milieu des caciques. « Si elle est appréciée par les militants, elle fait parfois face à la défiance des grands élus. »
Et les ennuis ne vont pas tarder à arriver. Elle se heurte violemment à Pierre Cohen sur le renvoi du Vert Stéphane Coppey de la direction de Tisséo. Alors que pour l’ancien maire de Toulouse, la jeune dirigeante est instrumentalisée dans la guéguerre qu’ils se livrent avec Pierre Izard, Nadia Pellefigue plaide la naïveté : « C’est la première fois que je suis dans l’exercice d’appareil et je crois que je ne mesure pas tout. » Consciente qu’il lui faut devenir élue pour acquérir de la légitimité, elle accepte la proposition de Martin Malvy de figurer sur sa liste pour les régionales de 2010.
Finances et parité Au Conseil régional, elle se voit confier la délégation femmes-hommes et la parité. Une évidence pour cette féministe convaincue qui découvre avec bonheur la fonction d’élue : « La capacité à rendre concret ou réel ce que vous défendez existe davantage dans le milieu institutionnel que dans le milieu militant. Et puis avec l’équipe de Malvy, je n’ai pas l’impression que l’exercice du pouvoir corrompt ou affadit mes convictions. » Si entre 2008 et 2011, elle marque de son empreinte la Fédération 31 du Parti socialiste, elle va aussi connaître, durant cette période, sa première désillusion politique à l’occasion des élections législatives. Candidate sur la 9e circonscription de Haute-Garonne, nouvelle circo réservée à une femme, elle pense disposer d’un boulevard pour accéder au Palais Bourbon. Mais c’est sans compter sur la rancune tenace de Pierre Cohen qui place sur sa route Anne Crayssac, son adjointe au Capitole. À l’issue d’une campagne délétère et d’un vote contesté, le bureau national du Parti socialiste, incapable de trancher entre les deux femmes, parachute Christophe Borgel. Un épisode peu reluisant pour le PS et très violent pour Nadia Pellefigue : « J’ai trouvé très injuste qu’il n’y ait eu personne de courageux dans cette affaire. » Pour Sébastien Vincini, elle paye là son ascension éclair : « Elle s’est heurtée à une résistance d’une partie de l’appareil qui a considéré que ça allait trop vite pour elle. » Pis, la jeune mère vit mal les doutes exprimés sur sa capacité à tout gérer : « On a dit que j’étais une mauvaise mère, que je ne pourrais pas être à la fois à l’Assemblée et m’occuper de mes enfants. Le fait que cet argument soit utilisé par mon propre camp… »
Moi, avoir les leviers pour agir, ça m’intéresse. Mais la jeune conseillère régionale encaisse et rebondit vite en prenant une vice-présidence importante au Conseil régional, celle des finances. Parce que Nadia Pellefigue ne manque pas d’ambition. Désormais bien identifiée au niveau régional, on lui prête même celle d’avoir, un temps, caressé l’espoir de succéder à Martin Malvy. Assertion dont elle se défend vigoureusement. Même si, politiquement, elle ne fraie pas dans les mêmes courants que Carole Delga au sein du PS, elles partagent la même vision de la pratique politique, proche du terrain. Très vite, le binôme s’affirme comme un maillon fort de la campagne.
Appétits et patrons L’ancienne secrétaire d’État, consciente de l’expérience accumulée par la vice-présidente sortante, l’associe étroitement à l’élaboration du projet régional : « On l’a porté autant sur le fond que sur la forme dans l’exécution du projet politique », confirme-t-elle. Signe de cette confiance, Nadia Pellefigue hérite d’une vice-présidence aux pouvoirs très importants, celle de l’innovation et du développement économique. Une délégation taillée sur mesure pour son appétit débordant : « Je savais que l’économie allait devenir une compétence forte de la région avec un levier politique fort en matière d’aide financière aux entreprises. Et moi, les leviers pour agir, ça m’intéresse. »
Reste que sur ces sujets, elle apparaît comme une néophyte. Mais Nadia Pellefigue est une bosseuse. Dans un temps relativement court, elle absorbe les dossiers, et acquiert une véritable expertise. Martin Malvy ne tarit pas d’éloges à son égard : « Elle est dans l’action intelligemment avec toujours une réflexion préalable, la recherche d’éléments lui permettant de prendre une décision et une orientation. Et suffisamment de persistance pour la mise en œuvre. » Un avis partagé par Didier Cujives, à la tête de Midi-Pyrénées Expansion, l’ancêtre de Maadeli dont Nadia Pellefigue est également la présidente : « N’ayant pas été cheffe d’entreprise, on aurait pu penser qu’il lui manquerait quelques éléments. Il n’en a rien été. Elle a évolué à une vitesse spectaculaire. Dans un milieu assez machiste, en particulier dans l’aéronautique et l’agriculture, elle a bluffé les chefs d’entreprise. » Fin connaisseur des milieux économiques, Bernard Keller, vice-président de Toulouse Métropole en charge de l’aéronautique, abonde dans le même sens : « Elle est d’autant plus appréciée qu’elle a la prudence d’éviter l’arrogance et la condescendance : elle s’imprègne bien des analyses des uns et des autres. » Au niveau national également, son expertise est remarquée. Arnaud Montebourg, qui l’avait rencontrée quelques années auparavant, se dit impressionné par le parcours de la jeune élue : « Je l’ai trouvée d’une grande solidité, intellectuellement, politiquement, économiquement, avec une connaissance précise des sujets de sa région. Elle a le goût de la créativité, de l’audace. Et les patrons disent du bien d’elle. »
Reconnue et écoutée Si Charles Champion, vice-président d’Airbus en charge de l’ingénierie se souvient, lors de leur première rencontre, « d’une certaine distance liée au fait qu’elle voulait comprendre les choses », il mesure depuis le chemin parcouru : « Avec la création de la nouvelle région, elle a su mener de front la mutation des filières et la fusion des différents services. » Pour Arnaud Thersiquel, le président d’At Home qui héberge des startups, Nadia Pellefigue ne serait rien moins qu’un « exemple à suivre » : « Quand on a un rendez-vous, en amont, elle a étudié tous les enjeux, l’historique, elle a contacté les gens qu’il fallait. C’est assez bluffant de travailler avec elle : ça tranche avec les autres politiques. » Différente des autres élus ? Carole Maurage, présidente de Digital Girls, partage cet avis : « Elle est très à l’écoute, une éponge, toujours dans un rapport humain très attractif et convivial. Par rapport aux autres élus, elle est très pragmatique. Et puis elle fait ce qu’elle dit, c’est énorme ! » Le président de la CCI Occitanie, Alain di Crescenzo, se joint au concert de louanges : « Elle est omniprésente, je n’ai pas l’habitude de travailler avec des élus aussi présents. Elle a surtout la volonté d’arriver au fond des dossiers et de trouver une solution, sans dogmatisme aucun. » Longtemps suspectée d’être défiante vis-à-vis de l’entreprise, la gauche, selon Nadia Pellefigue, n’est pas moins légitime que la droite sur ce sujet : « Opposer le dogmatisme de la gauche au pragmatisme de la droite me hérisse. » Un avis partagé par François Briançon, conseiller municipal PS actuel : « Le fait de pouvoir être à une manif contre la loi Travail le matin et avec les forces économiques le soir n’est pas un problème, au contraire, c’est une vraie opportunité pour le PS. » D’autant que, chose étonnante, ses adversaires politiques ne profitent pas de son fort ancrage à gauche pour l’accuser d’irresponsabilité économique. Pour Christophe Rivenq, le chef de file de la droite au Conseil régional par exemple, ses interventions « sont souvent pertinentes et techniquement au point » et « on peut dialoguer, car elle ne paraît pas dogmatique sur le développement économique. » Un avis partagé par VincentTerrail-Novès, maire de Balma et ex-LR, pour qui la vice-présidente est « intellectuellement ouverte » ou Jennifer Courtois, membre de la même commission qu’elle au CR, qui apprécie qu’elle « tienne compte des remarques que l’on peut faire. On sent qu’elle a envie de faire avancer les choses. »
Carole Maurage n’est pas surprise quand on lui rapporte ces propos : « Comme elle est intelligente, bosseuse et qu’elle a beaucoup d’humour, elle est extrêmement fédératrice… à droite comme à gauche ! Elle fait partie de ces gens capables de traverser les frontières et de fédérer par-delà leur camp. »
Elle a la volonté de trouver une solution, sans dogmatisme aucun.
Nadia et Carole Alors, fatalement, vient à l’esprit la question fatidique : le costume de vice-présidente ne risque-t-il pas d’être trop étroit, à terme, pour Nadia Pellefigue ? Et ne risque-t-elle pas de faire un peu d’ombre à Carole Delga ? Alors qu’un membre influent du Parti socialiste évoque un récent recadrage de la part de la présidente, pour Sébastien Vincini, il s’agit ici d’une vue de l’esprit : « Je ne peux pas imaginer que l’espace occupé par Pellefigue ne soit pas consenti. Delga, on ne lui marche pas sur les pieds. » Christophe Borgel approuve : « Personne ne fait d’ombre à Delga : c’est elle qui incarne le leadership. » L’actuelle présidente de Région ayant d’ores et déjà annoncé qu’elle briguerait un second mandat, les regards se tournent tout naturellement vers le Capitole pour assouvir l’ambition de Nadia Pellefigue. L’échéance a beau paraître lointaine, et le sujet « pas d’actualité aujourd’hui », l’élue régionale reconnaît sans problème que « Toulouse est un tel challenge que ça se prépare et se construit en amont. » Si elle jure être tout à son mandat régional, elle n’écarte pas la perspective de candidater : « J’ai envie de faire partie de la reconquête de Toulouse, d’être dans le combat. À quelle place, cela reste à définir… » Une chose est sûre, c’est en restant fidèle à sa famille politique qu’elle pense pouvoir conquérir la Ville rose. Même si elle exhorte ses camarades à se dépasser : « Si on ne sait faire que s’opposer au libéralisme, on échouera. Il faut que l’on soit en capacité, avec nos valeurs, de proposer une alternative qui dépasse les structures. » De la défaite de 2014, elle retient surtout la difficulté de l’équipe municipale à s’ouvrir. Saura-t-elle être moins clivante que l’ancien maire PS et fédérer, dans un premier temps, son propre camp ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. Mais tous lui reconnaissent une légitimité pour y prétendre, même ses concurrents (potentiels) comme Pierre Cohen : « Elle a des armes intellectuelles indéniables. Quand on s’est opposés, c’était l’une des plus redoutables. Son discours est solide, avec du contenu. » Pour Didier Cujives aussi, dont le fils Romain, conseiller municipal, est pourtant ouvertement candidat à l’investiture, la question de sa légitimité ne se pose pas : « Quand on est capable de redresser la Fédé 31, de prendre de telles responsabilités au CR, bien sûr que l’on peut prétendre être candidate. D’autant qu’au sein de la Fédé, il n’y a pas d’animosité autour d’elle. Elle a même des inconditionnels. »
Tenu par un devoir de réserve en sa qualité de premier secrétaire du parti, Sébastien Vincini considère également qu’elle est tout à fait qualifiée pour le poste : « Les régions, ce sont des minis-pays. C’est énorme ce qu’elle a à gérer. Elle fait donc partie de ceux qui peuvent incarner un leadership, et qui ont envie de faire. Et puis Nadia n’a pas peur de la foule ni de serrer des mains. » Et qu’en pense sa patronne au Conseil régional ? « Vu que c’est une personne qui a du talent, c’est normal qu’elle suscite l’intérêt. Je trouve que ce serait tout à fait mérité si Nadia prenait davantage de responsabilités politiques. Mais si j’ai beaucoup d’espoir, le temps n’est pas à la désignation d’individualités. » Dans le privé, je serais beaucoup plus bankable.
Privé et parti En attendant, il ne lui reste plus qu’à se débarrasser de sa réputation d’apparatchik. Car si personne n’ose publiquement l’affirmer, pour beaucoup de ses camarades du PS, Nadia Pellefigue est une professionnelle de la politique. « Elle est dans les appareils depuis 20 ou 25 ans et les vrais appareils, ceux qui tenaient les couteaux », avance par exemple un poids lourd du parti. Parfaitement consciente de cette réputation qui lui colle à la peau, la principale intéressée contre- attaque : « Au nom de quoi le fait d’avoir fait le choix, après des études plutôt réussies, de l’engagement public, de m’investir au nom d’idées, serait moins bien qu’un investissement dans une activité professionnelle classique ? J’avais un niveau de diplôme qui me permettait de faire d’autres choix. » Professionnelle de la politique ? L’accusation la fait bondir : « Je serais pour l’idée d’être vice-présidente de Région et d’avoir une activité salariée. Ce serait beaucoup plus intéressant. Car honnêtement, avec mon expérience et mes réseaux, dans le privé, je suis beaucoup plus bankable que l’indemnité du mandat régional (2600 €, ndlr) que je perçois. » Un sens de la répartie dont elle aura besoin si elle se présente en 2020 selon Christophe Borgel : « La politique, c’est une affaire de talent, mais aussi une affaire de circonstances. Et c’est toujours plus dur pour une femme… »