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BOUDU

Napoléon DRH – Napoléon et nous

N’a-t-on pas tout dit et tout expérimenté dans l’entreprise ? Fallait-il vraiment chercher des recettes chez Napoléon? Il faut toujours chercher. Dans le monde des entreprises, on n’en trouve pas deux qui se ressemblent. Les solutions toutes faites ne marchent pas parce que tout dépend de l’humain. Une entreprise n’est pas un organigramme figé et pyramidal. C’est un mobile à la Calder, une structure en déséquilibre permanent composée de pièces humaines de poids différents. C’est ce qui rend la tâche du chef d’entreprise si difficile, surtout dans les PME où ses responsabilités sont immenses.

Comment est née cette idée d’interview anachronique ? Je l’ai toujours eue en tête. Cela me paraissait direct, efficace et vivant. Ma rencontre avec l’historien Alain Pigeard, qui a relevé le défi, a rendu cela possible. Depuis j’ai renouvelé l’expérience avec les philosophes… et Jésus !

Vous avez trouvé quelqu’un qui accepte de parler à la place de Jésus ? Ça n’a pas été facile, mais oui, j’ai trouvé Hervé Ponsot, dominicain diplômé d’HEC, docteur en théologie et maître de conférence à l’Institut Catholique de Toulouse.

Comment un recruteur XXIe siècle en vient-il à s’intéresser au mode de management de Napoléon? Napoléon a recruté, animé et formé toute sa vie. Il a géré l’Empire comme une entreprise, avec des valeurs qui peuvent paraître anachroniques mais qui sont encore valables aujourd’hui.

boudu-57-napoleon-drh-Florian Mantione

@DR


Lesquelles ? Dans la nature, il y a des plantes parasites et des plantes épiphytes. Les parasites grandissent sur d’autres plantes en se nourrissant de leur sève et en les affaiblissant. Les épiphytes croissent sur d’autres plantes sans leur piquer la sève. Napoléon est le parfait exemple du manager épiphyte. Il était bosseur, rationnel et instinctif à la fois. Et surtout, il avait compris à la perfection le mécanisme des Hommes, leurs moteurs et leur besoin de reconnaissance. L’exemple le plus parlant est la Légion d’Honneur. C’est une idée fabuleuse ! Des mecs se sont battus, surpassés pour l’obtenir. Une médaille en chocolat. Mais quel honneur ! J’en sais quelque chose. Je l’ai reçue, et j’en suis très fier.

Le Napoléon de votre livre dit que pour bien diriger il vaut mieux être craint qu’aimé. Est-ce toujours vrai de nos jours, à l’ère du management bienveillant et des happyness managers ? Il faut être aimé pour se sentir bien et être craint pour être écouté. Le bon dosage ne dépend pas d’une règle mais du caractère de chacun. Pour bien diriger il faut savoir qui l’on est, ce dont on a besoin, et agir en conséquence. Là-dessus, Napoléon ne s’est pas trompé.

Quand vous lui demandez un conseil pour un futur dirigeant, il répond : savoir écouter. Napoléon ? L’écoute ? Oui ! Écouter ne signifie pas suivre les recommandations qu’on vous donne. Le pouvoir, ça ne se partage pas. C’est la leçon la plus importante que j’aie gardée de mon directeur de Sup de Co Toulouse. Par « pouvoir » il faut comprendre l’acte de décision. Pour le préparer il faut s’entourer de compétences. C’est ce qu’à fait Napoléon. Il a réuni autour de lui les meilleurs scientifiques, médecins, politiques. Des gens plus compétents que lui dans chacun de ces domaines. Les suggestions des autres étaient pour lui une aide à la décision.

Enfant, Napoléon était chétif, parfois mis à l’écart parce que basané et Corse. Son besoin de revanche a certainement joué dans son parcours. Faut-il en avoir bavé pour être un bon meneur ? Le désir de revanche sur les autres ou sur la nature est une bonne chose. Une enfance trop facile peut produire des adultes un peu trop cool. En avoir bavé enfant augmente votre besoin de reconnaissance. Or, la reconnaissance est, souvent avant l’argent, le moteur principal des individus.

D’où la réussite de la méritocratie de la Révolution et de l’Empire ? Vous, moi, tout le monde a besoin de reconnaissance. Elle passe par le titre qu’on porte ou par la rémunération qu’on reçoit. Napoléon, lui, a créé une caste de maréchaux pour les plus méritants. Une façon de leur dire qu’ils étaient bien plus que de simples généraux. C’est astucieux et très valorisant. À ceux qui réussissaient, il a donné des châteaux, des titres, des territoires, des richesses. Il est allé jusqu’au bout du concept de reconnaissance parce qu’il en avait le pouvoir et les moyens. Mais même sans moyen on peut toujours agir. Quand un chef d’entreprise veut reconnaître un salarié mais ne peut pas l’augmenter, il doit lui donner de la reconnaissance. C’est gratuit ! Pourtant, les managers n’y pensent pas toujours.

Cela fonctionne, à condition que le travail et le mérite soient repérés par le manager (ou l’Empereur) ! Bien sûr, et c’est une autre grande leçon de Napoléon : être bon ne suffit pas. Il faut le faire savoir. Dans mon activité de recrutement, je rencontre de très bons candidats qui pensent que leur excellent travail suffira à leur faire obtenir la reconnaissance. C’est naïf ! Il faut être bon et le faire savoir. C’est valable jusqu’au sommet de l’État. Napoléon a contrôlé son image dans la presse comme dans l’art. Plus près de nous des présidents comme Mitterrand, Sarkozy ou Macron se sont mis en scène pour valoriser leurs actes. Hollande, pour sa part, était beaucoup moins bon dans cet exercice !

Cette logique de méritocratie napoléonienne et de reconnaissance a pourtant des limites. Il a placé sur les trônes d’Europe et à des postes clefs des proches ou des parents qui n’étaient ni les plus compétents ni les plus méritants…  C’est vrai, mais il y a une explication. Dans une entreprise, comme pour un Empire, le plus important, c’est la loyauté. Il faut des gens fiables sur lesquels on puisse compter. Des individus qui ne défendront pas leur intérêt au détriment de l’entreprise. D’où le choix de membres de la famille. La grosse difficulté, c’est la question de la compétence des proches. Mais au moins, on peut y travailler. Une structure peut activer et améliorer la compétence d’un individu. Par contre elle ne peut pas modeler les individus. Un tordu sera toujours un tordu !

Napoléon savait se faire obéir mais n’a que rarement obéi lui-même. L’exemplarité ne sert-elle à rien ? Tout le monde n’a pas le talent de Napoléon pour s’en passer. Mieux vaut jouer sur les deux tableaux. Diriger, c’est transgresser, certes. Mais c’est aussi avaler des couleuvres quand il le faut !

Le management selon Napoléon Florian Mantione et Alain Pigeard / Éditions Athéna À paraître : Le management selon Jésus – Florian Mantione / Hervé Ponsot / éditions Le Cerf

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