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Logi Boudu magazine

Qui ne Swot pas n’est pas Toulousain – Thierry Lafon

Dernière mise à jour : 18 janv.

Les Mardis de l’espace arrivent enfin à Toulouse. Ce rendez-vous animé depuis 10 ans à Paris par le Cnes et l’asso Bar des Sciences réunit dans des brasseries les experts du spatial et le grand public. La prochaine édition, fin janvier au Florida, est consacrée au satellite Swot, un bijou de technologie fabriqué en partie à Toulouse. En guise de préambule, Boudu passe à la question son chef de projet, Thierry Lafon.



En quoi consiste la mission Swot ? À mesurer la hauteur des océans, des fleuves, des rivières et des lacs sur la Terre depuis l’espace. Avec la Nasa, on suit déjà l’évolution du niveau des mers à long terme depuis 30 ans.


Que révèlent ces observations ? Que le niveau augmente de 3 à 4mm par an. Ça n’a l’air de rien, mais sur des décennies, cela condamne certains pays. Ces mesures ont permis de mieux comprendre les océans. Elles sont un bon indicateur du changement climatique. C’est en les analysant, ici, à Toulouse, qu’on a fait apparaître le phénomène El Niño, ces courants de chaleur qui traversent la planète et font que, pendant certaines périodes sur les côtes d’Amérique du Sud, les récoltes sont déplorables et le poisson rare. Mais avec Swot, on ne se limitera pas aux océans. Ce satellite rend possible une surveillance de l’ensemble des cycles de l’eau.


Qu’apporte Swot de nouveau ? Swot s’inscrit dans la continuité des missions d’altimétrie spatiale que mène le Cnes avec la Nasa. Elle constitue une rupture technologique. Elle permettra d’observer l’eau douce sur terre et d’en mesurer aussi bien les stocks que l’évolution au fil des années et des saisons. Elle le fera mieux et beaucoup plus précisément que jamais. On pourra surveiller des millions de lacs qui ne sont ni instrumentés ni observés régulièrement. Dans le nord canadien, par exemple, on trouve des lacs isolés et inaccessibles, dont on connaît à peine l’existence. Swot permettra de réaliser un bilan hydrique mondial, détaillant le débit des fleuves, l’origine de leurs eaux, leur destination, l’endroit où elles sont consommées etc. Le tout à l’échelle des bassins, des pays et du monde.


À vous écouter, l’association Cnes-Nasa semble être une évidence…  La Nasa et le Cnes travaillent ensemble depuis les années 1980 pour concrétiser des idées autour d’intérêts communs. Reste qu’une fois qu’on a les idées, il faut trouver le budget ! Quand ce que l’on cherche à mesurer est important et utile à la communauté, on arrive généralement à récupérer de l’argent. C’est un gros effort, même pour les Américains. L’observation de la Terre a toujours été le parent pauvre de la politique spatiale des États-Unis, au contraire des missions martiennes ou interplanétaires, plus populaires et très médiatiques. La participation de la France leur est donc indispensable.


Comment finance-t-on un tel programme ? Les nouvelles technologies dans l’espace coutent très cher. Cela représente plus d’un milliard de dollars au total, et plusieurs centaines de millions pour la France. Nous avons donc franchi un cap pour cette mission : en plus du Programme d’Investissements d’Avenir, qui a cours depuis l’époque Sarkozy-Fillon, et qui a mobilisé des sommes considérables, nous avons attiré l’intérêt de sponsors pour qui la perspective de récupérer des mesures hydrologiques de haut niveau revêt un intérêt sociétal évident et promet un retour sur investissement.


Quelles différences technologiques entre Swot et ses prédécesseurs ? Une mission altimétrique classique, c’est un satellite qui tourne autour de la terre et fait une mesure ponctuelle sous sa trace. Entre deux passages, le satellite se déplace de 100 à 150 km. Entre les deux traces, on ne dispose d’aucune image, et la résolution est faible. Swot lui, allie une forte résolution et des fauchées de 120 km qui, une fois assemblées, permettront de constituer une image de très haute définition couvrant la totalité du globe.


Outre les tendances sur la durée, pourra-t-on observer en temps réel des phénomènes imprévus, inondations, raz-de-marée etc. ? Hélas, il n’y a que dans les James Bond qu’on peut repositionner un satellite à la demande. Les satellites ont leur circuit et leur rythme propres. Swot mettra 10 jours à couvrir la terre. Un jour peut-être, les constellations de satellites permettront de réaliser ce genre de choses.


Quelle est la part de Swot conçue à Toulouse ? Elle est très importante. Toulouse est un centre d’excellence pour l’altimétrie. Il y a d’abord le Cnes aux commandes, puis une industrie qui réalise (Thales qui a conçu le cœur instrumental du projet), et au-delà, il y a tout un écosystème qui développe une expertise autour de la connaissance de l’eau. En clair, des moyens et des outils pour comprendre et traiter les données, et de petites sociétés qui développent des applications pour des besoins spécifiques. Le Toulousain CLS (Collecte Localisation Satellites), est par exemple leader dans les domaines de la navigation ou de la pêche. Le monde entier fait appel à eux. Au total, ce sont des milliers de personnes qui travaillent sur ces sujets dans la région toulousaine.


La mission Swot créera-t-elle de nouvelles opportunités ? On espère effectivement voir émerger un nouvel écosystème autour du thème de l’eau. L’essentiel se fait déjà à Toulouse aujourd’hui en termes d’expertise, de mobilisation des ressources, de spécialistes et d’entreprises. Dès le départ, on a eu le souci d’accompagner les futurs utilisateurs de ces données. On les a préparés à les récupérer et à les traiter. Nous avons travaillé avec des partenaires ciblés, en particulier les agences de l’eau, les agences de bassin et les bureaux d’études spécialisés dans l’hydrologie.


Ces utilisateurs sont-ils exclusivement français ? Nous avons œuvré à l’échelle du globe avec l’Office International de l’Eau (OiEau), qui aide à la bonne utilisation de l’eau dans le monde. On a travaillé avec l’Afrique et l’Asie pour déterminer comment Swot pouvait améliorer la gestion des bassins dans les pays où, pour des raisons de moyens ou de conflits, fleuves, lacs et rivières ne sont pas instrumentés.


Quand Swot sera-t-il en service ? Le lancement est prévu pour le 15 décembre. Il s’en suivra une phase de six mois pendant laquelle le centre de contrôle du Cnes à Toulouse effectuera des tests et vérifiera que les instruments sont bien calibrés. On entrera ensuite dans la phase d’affinement des mesures avant d’ouvrir la phase opérationnelle.


Quelle est la durée de vie d’un tel outil ? Entre 3 et 5 ans. Cela peut paraître peu, mais les données récupérées pendant ses années de fonctionnement alimenteront plusieurs décennies de recherche.

 

Les mardis de l’espace 24 janvier – 19h30

Après une première rencontre en octobre consacrée au télescope Webb, le Cnes et Les Mardis de l’espace réinvestissent Le Florida, place du Capitole, pour un échange avec Thierry Lafon autour de Swot et de la biodiversité sous protection spatiale. Le dernier rendez-vous toulousain de l’année, prévu le 23 mai, même lieu, même heure, est intitulé « Il n’y plus de défense sans espace ni d’espace sans défense ».


Lancement Après un an d’assemblage dans les locaux de Thales à Cannes, Swot s’est envolé début octobre aux États-Unis à bord d’un avion-cargo de l’US Air Force. Le satellite sera propulsé le 12 décembre depuis la Californie par un lanceur Falcon 9 de la société SpaceX d’Elon Musk. Lancement à suivre en direct sur la chaîne YouTube du Cnes.


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