Frappée en plein cœur par un évènement éprouvant il y a 40 ans, Geneviève expérimente alors pour la première fois une retraite spirituelle. Depuis, elle renouvelle l’expérience sans jamais s’en lasser. D’abord effrayée par le silence, condition sine qua non pour saisir l’indicible, Geneviève a su l’apprivoiser afin que ces jours de retraite deviennent une parenthèse savoureuse où les sens sont éveillés et réveillés.
Une retraite spirituelle semble être une idée austère pour les vacances… C’est un effort, mais un effort salvateur. On vit dans un monde un peu fou où l’humain n’a plus lieu d’être. Si on ne laisse pas d’espace à notre être intérieur, il ne peut plus vivre. Partir en retraite spirituelle permet de restaurer cet espace et d’aller puiser des ressources dans la paix, en s’échappant de ce monde très agité. Avec le temps, être capable de se retirer pour faire le point devient agréable.
Qu’est-ce qui vous a poussé la première fois à faire une retraite ? Il y a 40 j’ai réussi à surmonter un divorce douloureux grâce au silence de la retraite. Ce que je cherchais, c’était une qualité d’être, un apaisement. Fuir, mais sans lâcheté. Trouver un refuge salvateur.
Pourquoi y retournez-vous depuis ? Les raisons diffèrent en fonction des moments de la vie. Les retraites aident à discerner des choix à poser dans notre vie quotidienne, à rendre grâce, à dire merci, à s’abandonner, à casser notre rythme de vie. On peut aussi passer quelques jours dans un monastère par simple curiosité, mais au fond, c’est toujours le besoin spirituel et la nécessité de faire une pause qui vous y pousse.
N’est-il pas difficile de garder le silence ? Le silence peut faire peur au début. Je conseille de partir deux ou trois jours la première fois pour l’apprivoiser. Lorsqu’on est aguerri, on peut partir plus longtemps. Car être en vie c’est aussi être confronté au silence.
Quel effet ces lieux de silence ont-ils sur vous ? Tout en moi se calme. Le bouillonnement de pensées et de soucis disparaît. Les gestes et les pas se font plus feutrés. Les rares mots qu’on prononce sont vrais, débarrassés des futilités verbales. Je peux alors transformer mon quotidien par un silence habité, empli de la parole de Dieu, de la beauté des lieux, et des prières qui me permettent de m’ouvrir à quelque chose d’indicible mais de plus grand, de m’élever. Dans ce havre de paix, je trouve des forces pour poursuivre ma route.
Malgré le vœu de silence, échangez-vous avec les moines, les moniales et les autres retraitants ? Selon les communautés, les repas sont pris en silence ou non, mais il y a toujours des temps de partage durant la journée avec les religieux et les autres retraitants. L’accueil et la présence des religieux sont toujours un réconfort et un soutien dans mon chemin. Ces personnes retirées qui vivent dans une grande simplicité ont beaucoup à nous apprendre. J’ai par ailleurs tissé des liens amicaux avec des personnes rencontrées en retraite.
Choisissez-vous toujours le même monastère ? Ma première retraite s’est déroulée dans l’Oise. Je n’y suis jamais revenue. J’ai privilégié des abbayes de la région pour des raisons pratiques. Chaque monastère est habité par une spiritualité particulière. Les moines et les moniales donnent une couleur différente au séjour en fonction de leur rythme de vie et de leurs activités.
Quel rôle l’architecture et l’environnement naturel jouent-ils dans les retraites ? Les abbayes sont des lieux magnifiques dont l’implantation ne s’est jamais faite au hasard. Les lieux de prières sont splendides, tout comme la nature qui les entoure. On s’émerveille alors devant le cours d’une rivière, l’immensité d’une forêt, les détails picturaux d’une église ou la simplicité d’un petit oratoire. Dans ces lieux, les sens sont en éveil. La nature, les icônes, les chants, les fleurs, les offices et l’encens qui les embaument…. Tout semble être fait pour que l’âme s’ouvre à quelque chose d’extraordinaire.
La Covid et les confinements donneront-ils une saveur particulière à votre prochaine retraite ? Je sens aujourd’hui une envie débordante de repartir en retraite, de reprendre mon souffle. Avec la pandémie, on étouffe sous nos masques. On se sent à l’étroit à cause des restrictions sanitaires. C’est un moment propice pour partir en retraite et se reconnecter avec nos forces en étant attentif à la profondeur de notre être. Une très belle phrase de Christiane Singer le résume bien : « Nous connaissons dans notre Occident deux voies quand nous sommes dans un état d’étouffement : l’une c’est le défoulement, c’est crier, exprimer ce qui était jusqu’alors rentré, l’autre c’est le refoulement, avaler des couleuvres… et il existe un troisième modèle c’est de s’asseoir au milieu du désastre et devenir témoin, réveiller en soi cet allié qui n’est autre que le noyau divin en nous ». Je crois que c’est le moment pour beaucoup d’entre nous de déposer les armes.
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