Saoulés par les écrans et saturés d’images, nous sommes nombreux à souffrir de sècheresse oculaire, cette pathologie ophtalmique qui n’est qu’un préambule à l’assèchement du cœur. Aussi avons-nous besoin qu’on trie à notre place et qu’on nous réapprenne à ciller et à nous émouvoir. C’est tout le talent d’Héléna et Guy Motais de Narbonne, collectionneurs d’art ancien qui accrochent pour la première fois l’intégralité de leur collection à la Fondation Bemberg, neuf ans après en avoir exposé une sélection au musée du Louvre.
Depuis leur première acquisition il y a 30 ans, les Motais de Narbonne se laissent guider par leur goût du motif insolite (couleur, composition, attitudes ou détail) pour constituer un ensemble cohérent de peintures françaises et italiennes des xviie et xviiie siècles. Le résultat leur ressemble : classique en apparence, mais éclairé, quand on y regarde à deux fois, d’insolite et d’inattendu. On n’est donc pas tenu de se rendre à l’Hôtel d’Assézat avec son manuel de peinture classique. Ces 79 œuvres ont chacune quelque chose de direct, d’immédiat, de brutal parfois, qui sied à l’érudit comme au profane, à l’enthousiaste chronique comme au peine-à-jouir permanent. Chacun trouvera son bonheur dans la violence gore du David et Goliath de Francesco Cairo, dans l’air narquois du mouton peint par François Lemoyne, ou dans cet autoportrait de Simon Vouet bouche ouverte et yeux rougis, qui a de faux airs de Gainsbourg peint par Le Caravage…
Collection Motais de Narbonne jusqu’au 2 juin 2019 à la Fondation Bemberg
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