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Tenace – Lien horizon danses

« L’optimisme, c’est mon carburant ! » Voilà comment Bernadette Yépé se résume. Et il en faut pour s’occuper de l’association Lien Horizon Danses, pour laquelle elle travaille depuis plus de 15 ans. Au sein de la structure qui a pour mission de favoriser les échanges dans le quartier Bellefontaine, au sud-ouest de Toulouse, elle a pour buts de créer du lien social et de promouvoir l’émancipation des femmes dès le plus jeune âge. Vaste programme pour cette femme d’1,87m, aux cheveux courts décolorés et au sourire généreux.


Bernadette Yépé BOUDU Toulouse occitanie

Bernadette Yépé BOUDU Toulouse occitanie


Jeune, Bernadette Yépé pratique beaucoup le sport, notamment le basket, au point de devenir capitaine de l’équipe nationale ivoirienne. Trois ans après avoir arrêté sa carrière, elle s’installe à Toulouse pour se former au CREPS (Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive), avec pour objectif de retourner entraîner la sélection de son pays. Mais un coup d’État renverse le pouvoir en Côte d’Ivoire et Bernadette Yépé choisit de rester en France où elle parfait son apprentissage. Elle entraîne notamment l’équipe nationale cadette. Pendant quatre ans, elle encadre les jeunes pousses, dont certaines deviendront les fameuses « braqueuses », championnes d’Europe en 2009 et vice-championnes olympiques en 2012. Après la naissance de sa fille en 2004, elle décide en 2006 de s’investir dans le social en rejoignant l’association Lien Horizon Danses basée à Bellefontaine. À son arrivée, elle a une idée assez précise de la manière dont une association doit fonctionner : « au service des habitants et en phase avec leurs besoins ». Des arguments suffisamment convaincants pour que la structure décroche les subventions nécessaires pour agir. Des cours d’alphabétisation sont mis en place, le centre de loisirs est réorganisé, les missions de Lien Horizon Danses sont recentrées sur l’éducation des enfants du quartier, via l’aide aux devoirs ou l’offre de séjours de vacances qualitatifs.


Puis, à mesure qu’elle « voit disparaître les filles de l’espace public », Bernadette Yépé comprend qu’elle ne peut plus se contenter d’alerter les pouvoirs publics. Elle met en place des ateliers d’auto-défense en petits groupes, pour celles qui ont besoin d’être soutenues face aux violences qu’elles peuvent subir chez elles. Puis en 2017, elle lance l’action « Toutes à nos terrasses de café » pour permettre aux femmes d’échanger autour d’un café ou d’un thé à la terrasse de l’un des cafés du quartier, comme le font les hommes : « Ma mère disait : “une femme autonome est une femme qu’on respecte.” Je me suis dit : on va se poser en terrasse. Et mes amies m’ont répondu “Chiche” !» Chaque premier mardi du mois, les habitantes de Bellefontaine sont ainsi invitées à discuter de thèmes qui les concernent, comme l’accès à l’emploi ou les violences conjugales. Et petit à petit, son audace paie. Une cinquantaine d’habitantes ont déjà participé à cette initiative. Une réussite à laquelle Bernadette Yépé n’osait rêver : « Les deux cafetiers ont adhéré d’emblée, alors que moi, j’avais très peur ». À l’aise dans son rôle de médiatrice, elle accompagne certaines adhérentes sur leur lieu de travail, pour dénouer des différends. « Elle ne fait pas les choses à moitié, il faut suivre le rythme ! », souffle Daniela Yong Martinez, médiatrice en faveur de la participation des habitants, recrutée il y a bientôt un an, au sein de l’association.


Sous sa direction, Lien Horizon Danses est l’association de Bellefontaine qui revendique le plus grand nombre d’adhérents : 213 cartes à jour et 380 enfants bénéficiaires. « Quand je suis arrivée, notre budget annuel était de 79 000 euros. Pendant trois ans, j’ai fonctionné seule avec mon bébé dans les bras, pour faire entrer de l’argent. » Pour y parvenir, celle qui s’approche tout doucement de la soixantaine assume le fait de « pleurnicher à droite et à gauche ». Résultat, le budget annuel s’élève désormais à 400 000 euros et il n’est pas rare que les ministres fassent une halte dans les locaux de l’association. Dernière en date : Elisabeth Moréno, chargée de l’égalité femme-homme, de la diversité et de l’égalité des chances, en janvier 2021. Si elle s’adresse, aujourd’hui, avec la même aisance aux acteurs du pouvoir qu’aux habitantes du quartier, elle refuse en revanche de s’exprimer en leur nom. « Je n’habite pas ce quartier. Donc je ne suis pas légitime pour parler de leur quotidien. » Mais lorsque le préfet invite une adhérente à participer à une concertation autour de l’égalité des chances, c’est (évidemment) un vrai motif de satisfaction qui vient compenser les moments plus difficiles, comme son agression par deux hommes en sortant du local de l’association, situé près d’un point de deal. Ce soir-là, elle frôle la mort. Cela ne l’empêche pas de retourner au bureau après un mois de convalescence : « C’est mon drame, je n’ai pas peur ». Autre moment éprouvant, les attentats du 13 novembre 2015. Face à l’ignominie, elle prend l’initiative d’organiser des groupes de paroles : « J’ai entendu des horreurs mais il fallait que ça sorte. » À Bellefontaine, son physique et sa gouaille intriguent : « On me traite de grande folle, mais ça me va. Dans l’ensemble, les gens sont bienveillants à mon égard. » Décorée deux fois de la médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif, elle confie néanmoins commencer à sentir le poids des années. La retraite ? Ses collègues préfèrent ne pas y songer, parce que « c’est en grande partie grâce à Bernadette que l’association est connue dans le quartier ».

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