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Van de revolte – Jean Didier Urbain

@Céline Geay

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Quel regard portez-vous sur l’évolution du tourisme ?

Le tourisme, c’est ce qui est arrivé de mieux à l’humanité depuis des lustres. C’est la rencontre de l’autre, la prise de conscience de la diversité du monde. Le voyage s’inscrit dans une solidarité internationale. Il faut le voir comme un échange et pas comme un marché. Là est le problème. On confond la circulation de l’argent et la circulation des Hommes. Avant la crise, des réflexions émergeaient autour de la saturation touristique pour éviter l’exploitation industrielle du désir de voyager. Car au fond, 95 % de la clientèle touristique se concentrent sur 5 % du territoire mondial. Il y a sans doute des révolutions culturelles à faire, en matière de voyages, de tourismes, et de rencontres avec l’autre.

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur le tourisme ? Ça a été la douche froide. Nous sommes passés d’une surpopulation à une désertification touristique. Est-ce que cela va, pour autant, redéfinir le voyage ? À court terme, je ne le pense pas. On vit un temps de privation de liberté. Après ce temps, il y aura une libération et elle va partir dans tous les sens. À moyen terme, il y aura saturation. Et la question de la régulation du tourisme se posera à nouveau. Il ne faut pas être trop angélique dans cette affaire, le monde d’après, à mon avis, n’existe pas vraiment. La covid19 a juste suspendu la crise du tourisme déjà en cours, mais les professionnels sont dans les starting-blocks, prêts à redéployer les mécanismes marchands habituels.

Avec la crise, le tourisme local a-t-il (re)conquis les voyageurs ? La crise est un trompe-l’œil. Si on ne va pas loin, c’est parce qu’on ne peut pas. Pour autant, le tourisme de proximité est dans l’air du temps tout comme le slow tourisme.

La vogue du van est-elle la conséquence de la crise sanitaire ? Qu’est-ce qui a été confisqué avec les confinements ? La libre circulation des Hommes. Celle des marchandises, des capitaux, des armes n’a pas cessé. On est en guerre ? Eh bien la résistance s’organise! Le van fait partie de ces outils de guérilla qui permettent d’échapper aux règles collectives de mobilité. L’écrivain Paul Morand, dans les années 1960, disait que le voyage est un « acte antisocial ». C’est simuler pendant 15 jours, 3 semaines, le fait qu’on s’émancipe de la société, qu’on s’en débarrasse.

Se débarrasser de la société… et de la vie urbaine ?  On sait depuis longtemps qu’il y a une part des populations urbaines qui vit avec le sentiment de privation de nature. Ce n’est pas pour rien qu’il y a un marché considérable pour végétaliser les balcons et les bords de fenêtre. Les citadins ont compris qu’une ville sans extérieurs est une ville invivable. De là à envisager un retour fusionnel au monde naturel, il ne faut pas trop s’illusionner. On est quand même des animaux dénaturés, même si on essaye de se renaturer par une conscience accrue de la nature, je ne suis pas sûr que l’on se trouve un terrier comme Alice.

En 2020, le mental des Français en a pris un coup, en quoi le voyage peut-il être thérapeutique ? Le voyage ce n’est pas seulement rencontrer l’autre, c’est aussi s’en éloigner. C’est en cela qu’il est thérapeutique, parce que c’est se retrouver soi-même. Un espace-temps à soi dans lequel on est maître de son temps, de son corps, des règles de la journée. Au fond, le drame de l’Homme contemporain, c’est d’avoir été dépossédé de sa propre temporalité. Dès le premier feu rouge, vous êtes soumis à une temporalité que vous n’avez pas envie d’épouser, et le confinement a renforcé ce sentiment.

À quoi ressemblerait le tourisme idéal du futur ? Comme disent les Islandais « un enfant qui ne sort jamais de son village, devient vite un idiot ». Donc, le tourisme du futur doit être conçu comme un équilibre entre le proche et le lointain pour éviter d’avoir, d’un côté des gens qui ne sortent jamais de chez eux, et de l’autre ceux qui connaissent très bien les antipodes mais pas leur voisin de palier.

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