D’ici 2030, 55% des agriculteurs actifs du pays seront partis à la retraite. Si le modèle de transmission familiale s’essouffle, une nouvelle génération d’agriculteurs ingénieurs, cadres ou enseignants, émerge. Souvent extérieurs au monde paysan, ils se heurtent à l’épineuse question du foncier. C’est là qu’intervient feve, une foncière créée en 2020 entre Toulouse et Bordeaux par d’anciens startuppeurs. Elle acquiert des fermes avec l’épargne de particuliers et les loue avec option d’achat à des paysans engagés dans le bio et l’agro-écologie.
Quand on est du sérail agricole, l’installation est déjà un parcours du combattant. Elle l’est encore davantage quand on ne peut pas compter sur l’héritage familial pour accéder aux terres. Ils sont nombreux dans ce cas : de nos jours, en Occitanie comme partout dans le pays, deux tiers des candidats à l’installation ne sont pas enfants d’agriculteurs. Il suffit de se pencher sur le coût d’une installation pour mesurer l’étendue du problème : « Une ferme moyenne en France représente 70 hectares, soit un investissement de 420 000 euros pour le seul foncier. Si l’on ajoute le bâti, on arrive facilement à 700 000 euros, sans parler du matériel et de l’équipement qui réclament encore quelques centaines de milliers d’euros » calcule Vincent Kraus, cofondateur de la foncière Fermes En Vie (feve). Polytechnicien passé par Stanford, ce dernier s’est associé à Marc Batty et Simon Bestel, deux anciens d’AgroParisTech rencontrés à Paris chez 50Partners, un accélérateur de startups dédié aux projets environnementaux et sociaux novateurs.
Lorsqu’ils créent feve en 2020 entre Toulouse et Bordeaux, les trois hommes ne sont pas des perdreaux de l’année. Ils ont une carrière derrière eux et une solide expérience en financement de startups dites d’impact : « Mes associés s’intéressent à l’agriculture depuis toujours. Pour ma part, j’y suis arrivé par l’environnement, reconnaît-il. Je voulais contribuer à financer des projets bénéfiques à l’environnement, et je me suis vite aperçu que l’agriculture est au cœur des questions liées au climat, à la biodiversité et à la santé. Quel que soit le chemin emprunté, on a tous les trois la volonté d’accélérer la transition écologique. »
Le principe des foncières est connu : ces sociétés collectent des fonds auprès d’investisseurs particuliers ou institutionnels. Avec cette épargne, elles achètent des terres et des bâtiments qu’elles louent aux agriculteurs. La spécificité de feve réside dans son offre avec option d’achat. Une approche qui se veut complémentaire des dispositifs existants : banques, organismes publics régionaux ou autres foncières comme Terre de Liens, qui pratiquent la location pure : « Certains de nos porteurs de projet souhaitent devenir propriétaires à terme, et cela nous convient. Nous réinvestissons cet argent dans de nouveaux projets », assure Vincent Kraus.
Outre la solidité financière, feve s’assure de la nature agroécologique des projets financés. Les fermes sélectionnées sont au minimum en bio, avec des ambitions d’agriculture régénérative.