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Didier Cujives : Pour une Europe des canons

Dernière mise à jour : 11 janv.

Si les vignobles de chez nous ne jouent pas dans la même division que le Bourgogne ou le Bordeaux, ils ont le niveau ballon d’or quand il s’agit de défendre la culture et l’art de vivre du vin. C’est le cas au sein du réseau culturel continental Iter Vitis, dont la branche française a été initiée par Gaillac et Fronton. Didier Cujives, son président, nous sert ses espoirs, ses combats et ses courroux. 


Didier Cujives, président du réseau culturel Iter Vitis.

Comment expliquer que les vignobles du Sud-Ouest se soient emparés d’Iter Vitis avant les grands vignobles du pays ?  

Les grands vignobles français surfent sur une notoriété internationale. Ils seront plus sensibles à une opération de communication à New York qu’à un projet patrimonial en France. Le propos d’Iter Vitis demeure plus intellectuel que commercial. Les grands vignobles ne s’en sont pas souciés au début. Depuis, ils nous ont rejoint. 


En quoi cette démarche consiste-t-elle ? 

Elle considère que le vin est un produit culturel et pas un produit de consommation courante. À l’échelle d’Iter Vitis, on se fout du business. On est là pour montrer que la consommation et la culture du vin sont constitutives du continent européen, et qu’elles réunissent les peuples du continent. Cette idée, qui est de nature a renforcer le sentiment européen, est précisément le propos des itinéraires culturels du Conseil de l’Europe.


Quelle est l’origine de ces itinéraires ?  

Dans les années 1980, le Conseil de l’Europe s’est interrogé sur les éléments identitaires du continent, et sur ce qui unit les peuples européens. Il s’agissait de trouver, dans chaque  pays, des éléments que l’on retrouve systématiquement sur ce continent, et nulle part ailleurs dans le monde. Elle a créé les itinéraires culturels pour valoriser ces fondamentaux, considérant qu’être européen, c’était être fils ou fille de cette culture commune. 


Quel fut le premier ? 

Les chemins de Saint-Jacques, en 1987. Aujourd’hui, il en existe 48. Itinéraires Viking, Phénicien, de Mozart, Stevenson, Charlemagne, Charles V, d’Artagnan… 


Qui est à l’origine d’Iter Vitis ? 

Les Italiens, puis les Français. Chez nous, c’est Gaillac qui a pris le lead très vite, suivi de près par Fronton. Le premier président, Pierre Verdier, est de Rabastens. J’ai été élu à sa suite en 2018. 


D’où part cet itinéraire, et où arrive-t-il ? 

Iter Vitis est davantage un réseau qu’une route. Un réseau de vignobles fédérés au sein d’une fédération française, elle-même membre d’une fédération européenne présidée par une Italienne, Emanuela Panke. 


À quoi sert-il, dès lors ? 

D’abord à se fédérer. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les vignobles ne se connaissent pas. Au sein même de Fronton, parfois, j’ai des doutes ! Ensuite, et c’est le plus important, il sert  à défendre l’idée du vin comme produit culturel. On se positionne au même niveau que les producteurs de foie gras, et de tous les produits emblématiques qui sont bien plus que des produits. Non, le foie gras n’est pas qu’un morceau du foie d’un canard gavé. C’est une histoire, des paysannes, des paysans, et un pan de culture tout entier. 


S’il faut défendre cette idée, c’est qu’elle est en danger ? 

Oui, elle est menacée par un hygiénisme bien pensant qui fait mine de ne pas mesurer l’importance culturelle du vin, et qui mélange tout. Qu’on freine la consommation d’alcool, c’est une bonne chose, et je fais mien ce conseil de bon sens. Je réfute en revanche l’argument santé quand on nous propose à la place des boissons délétères. 


À quoi pensez-vous ? 

Je pense par exemple que chez nous, à Toulouse, chez Airbus, on a banni le vin des cocktails de certains services. À la place, il y a du jus d’oranges de Floride et du coca. L’argument santé qui consiste à échanger un verre de fronton contre un coca, ça ne tient pas, je ne suis pas d’accord. Qu’ils servent de l’eau à la place. Eaux minérales, eaux plates, eaux pétillantes. Il y a l’embarras du choix. Voilà. Quand on en arrive à servir du coca plutôt que du fronton chez Airbus, c’est bien le signe de l’utilité du combat culturel mené par Iter Vitis. Quand je bois du vin, je bois bien plus que ça. Je bois une histoire, un territoire, un paysage, et l’histoire des femmes et des hommes qui ont façonné tout cela. 


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