Au TFC, depuis deux ans, on voit surtout Damien Comolli, le sémillant président passé maître dans l’art du recrutement avec comme principe l’analyse data. On connaît moins Olivier Jaubert, le directeur général, cheville ouvrière du club et de l’accession en Ligue 1. Il nous confie ses espoirs de voir le TFC s’installer durablement dans le coeur des Toulousains.
« Sportivement, l’objectif est d’aller le plus haut possible. Et on ne sait pas jusqu’où on peut aller »
Pour commencer, éclairez-nous un peu. À quoi sert le directeur général du TFC ? À s’occuper de tout ce que Damien Comolli n’a pas le temps de faire ! Plus sérieusement, notre organisation est conforme à la vision souhaitée par nos actionnaires, à savoir un patron pour le sportif, Damien, figure de l’institution vis-à-vis de l’extérieur, et un patron pour tout le reste. Pour diriger un club de football, il faut des spécialistes dans tous les domaines.
C’est novateur comme approche ? Non. Jean-Claude Blanc fonctionne de la sorte au PSG depuis 11 ans. Un club, c’est une entreprise de spectacle sportif. Et les 3 mots sont aussi importants les uns que les autres. Entreprise sous-entend que l’on a vocation à gagner de l’argent, spectacle que l’on doit bien accueillir du public, et sportif parce que c’est le contenu. Et quand les trois sont réunis, cela a plus de chances de fonctionner.
Directeur général d’un club de football, c’est nouveau pour vous. Pourquoi ce virage après avoir fait toute votre carrière dans le business du sport ?
Lorsque je travaillais pour la Ligue de football en tant que directeur marketing et commercial, j’étais, entre autres choses, chargé de vendre le football français à des investisseurs étrangers. J’ai donc rencontré un certain nombre de fonds américains dont RedBird. Lorsqu’ils ont commencé à avancer sérieusement dans les négociations pour racheter le TFC, ils ont fait appel à moi. Et j’ai accepté.
Pourquoi ? Redbird n’est pas un fonds financier mais un fonds opérateur. Ça change tout. Ils connaissent la vie d’un club. Ils auraient tout à fait pu vendre le TFC cet été en faisant une très bonne opération financière. Mais ils ne sont pas là pour ça.
Que change la montée en Ligue 1 ? Il fallait sortir de Ligue 2, c’était le point de départ. L’intérêt médiatique, économique, populaire est incomparable. On peut commencer à construire avec de vraies ambitions d’investissement, sur les infrastructures, la façon d’accueillir les gens au Stadium. Ici, nous ne sommes pas dans la logique de mettre tout l’argent sur le sportif. Offrir à nos supporteurs le meilleur spectacle possible sur la pelouse mais aussi en dehors est primordial, tout en veillant à ce que tout le monde puisse venir au stade. Le foot est un spectacle familial qui doit être ouvert à tout le monde.
Les actionnaires ne vous ont-ils pas fixé de feuille de route ? L’idée est que le club soit sain financièrement et que l’on n’ait pas besoin de faire appel tous les matins à l’actionnaire pour combler les trous. À nous de mettre le club dans les meilleures dispositions possibles, c’est-à-dire générer les revenus les plus élevés, avoir le plus de public au stadium, avoir des infrastructures au niveau d’un club de Ligue 1. Sportivement, c’est d’aller le plus haut possible même si on ne sait pas jusqu’où on peut aller. Personne n’évoque, par exemple, le maintien depuis notre accession en Ligue 1. On va essayer de jouer le plus haut possible.
C’est-à-dire ? On est la quatrième métropole française. On doit donc avoir un club qui compte parmi les grands clubs français dans tous les domaines. En tant que deuxième ou troisième région économique française, on a tous les atouts pour y arriver. Il n’y a aucune raison que le football ne fasse pas partie des grands éléments participant au rayonnement de notre région.
Quel bilan établissez-vous depuis votre arrivée en 2020 ? En deux ans, on a déjà beaucoup avancé, aussi bien en interne qu’en externe. Un énorme travail a été mené pour comprendre la culture de ce club et retrouver une identité. Pour y parvenir, nous avons travaillé avec Buzzman (Burger King, Ikea, Boursorama…), une agence qui vient d’être élue la plus créative de ces 10 dernières années. Après avoir procédé à de nombreux entretiens, ils en sont arrivés à la conclusion que ce qui définissait le mieux le TFC était sa capacité à se relever.
D’où le slogan « Debout. Toujours. » ? Tout à fait. Le TFC est un club qui a toujours souffert, de l’intérieur ou de l’extérieur, et qui s’est toujours relevé. Après on fait un autre constat : on n’est pas dans notre ville. Je m’en suis rendu compte le matin du premier match lorsque j’ai constaté que mon coiffeur ne savait pas que nous jouions le soir-même. Quand un coiffeur, un chauffeur de taxi ou un concierge ignorent que vous jouez, c’est que vous n’êtes pas dans la ville. Donc on a recommencé à aller dans la ville.
Comment ? L’idée est de la regarder dans toutes ses composantes et de voir comment on peut leur parler. Cela peut paraître tout bête, mais lorsque Damien ou les joueurs vont faire leurs courses à Victor-Hugo, ça y participe. Mais on ne s’est pas forcé pour le faire, ce n’était pas du marketing ! Quand on fait le Tolosa Students club, on reconnecte avec la population étudiante. Il y avait 120 000 étudiants à Toulouse à qui l’on ne parlait pas. On a réuni 14 écoles à qui l’on a demandé ce qu’elles attendaient d’un club de foot pro. À la fin, on a créé un challenge très marquant que l’on va reproduire cette année. C’est la même chose pour le Toulouse Football Cœur.
Pouvez-vous préciser ? L’action quotidienne de Toulouse Football Cœur est extrêmement importante car d’une certaine façon, on est une entreprise à mission. Quand on amène des joueurs dans les claé pour parler de lutte contre le racisme, on joue un rôle éducatif. Il faut dire qu’en matière de mixité, on est plutôt bien placé pour en parler avec 16 nationalités représentées dans notre effectif. Idem sur les questions de l’égalité homme-femme : ici, le projet du football féminin est aussi important que le football masculin.
La greffe prend-t-elle ? Le club s’ancre à nouveau dans sa ville. On a eu la chance d’avoir une très belle célébration place du Capitole pour la montée en Ligue 1, même si certains pisse-vinaigres ont fait remarquer que l’on n’était que 7500 alors qu’ils sont le double pour le Stade Toulousain. On n’est pas en concurrence avec le Stade qui est le plus grand club de rugby du monde.
Ce rôle est-il reconnu par les institutions ? Très sincèrement oui. On a une convention avec la mairie de Toulouse. On s’engage à intervenir dans les quartiers difficiles pour faire pratiquer le football aux jeunes garçons et jeunes filles avec nos éducateurs. Notre maillot d’échauffement a été réalisé avec les enfants des claé l’année dernière. Quant au maillot extérieur, il reprend la silhouette des principaux monuments de la ville.
Etes-vous étonné par l’engouement suscité par le club ? On a doublé le nombre d’abonnements par rapport à ce que l’on avait budgété, on a vendu toutes nos hospitalités, l’engouement est partout, c’est incroyable. L’année dernière, on a eu 3500 abonnés, cette année 13 000. À titre de comparaison, le record du club, c’est 7500, en 2007-2008, l’année où le club s’était qualifié pour le tour préliminaire de la Champions League. C’est super ce qui arrive, mais on est au pied de la montagne. On a ouvert le début de la voie mais le sommet est très haut. Ce qui est compliqué dans le football, c’est que le long terme, c’est dimanche prochain. Et en même temps, il faut en permanence anticiper à moyen et long terme.
Comment faire pour que le soufflé ne retombe pas comme ce fut souvent le cas par le passé ? Il n’y a pas de recette magique. En France, il y a très peu de clubs où les supporteurs sont là quel que soit le résultat, à part peut-être Lens et Saint-Etienne. La question est d’élargir le socle, de sorte que quoi qu’il arrive, on ait entre 12 et 15 000 spectateurs dans le stade. Sur une ville d’un million d’habitants, cela ne me semble pas délirant. Et quand les résultats sont là, il y en a entre 25 et 30 000.
Comment faire pour s’assurer de ce socle de 12 à 15 000 spectateurs ? Il faut continuer à jouer au football et à vouloir faire plaisir à nos supporteurs. Pratiquer un jeu tourné vers l’avant compte. Marquer 82 buts comme la saison passée encourage les gens à venir au Stadium. On prendra des buts, mais on en marquera aussi. Cela permet de recréer l’engouement. L’année dernière, un grand nombre de spectateurs qui se sont déplacés n’étaient jamais venus au stade, ou alors pas depuis longtemps. Tout d’un coup, ils ont vu un jeu attrayant et un stade qui chante, en particulier dans le virage Brice Taton qui n’a pratiquement pas d’équivalent dans notre championnat. La preuve, la majorité de nos nouveaux abonnés s’y trouve. C’est une tribune où il fait bon vivre.
Quelle serait une saison réussie pour le directeur général du TFC ? Que les résultats sportifs soient bons bien sûr, et que ça continue à bien se passer dans les tribunes. À nous de montrer qu’on est responsables avec nos supporteurs, qu’on est capables de construire ensemble. On est très fiers de voir que nos supporteurs ne sont quasiment jamais dans l’insulte envers l’adversaire ou l’arbitre. Et puis enfin la vraie réussite, c’est d’entendre des gens dire : « Venez, au TFC, c’est bien ».
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