Présidente d’une région recouverte à 50% par la montagne, Carole Delga est convaincue que l’on peut concevoir développement économique et transition énergétique, attractivité et respect de l’environnement.
Carole Delga, que vous inspirent les Pyrénées ? Les grands espaces, le bon air, le calme…En montagne, et notamment dans nos Pyrénées, tout m’évoque la liberté. Un territoire presque sans limite. Un sentiment d’infinité. On y trouve les derniers espaces préservés, vierges de toute activité humaine. Préserver nos montagnes, c’est donc offrir et partager notre liberté.
Avez-vous l’impression que le regard de nos contemporains, particulièrement celui des jeunes générations, est en train de changer sur les Pyrénées ? La crise que nous traversons aura au moins eu le mérite de nous recentrer sur l’essentiel. De nous rappeler ce qu’est la liberté de circuler, de sortir, de voyager…C’est vrai pour notre jeunesse, mais pas seulement. L’engouement rencontré cet été pour la montagne en dit long. Se rapprocher de la nature, prendre le temps, retrouver des plaisirs simples, les Pyrénées cochent toutes les cases. Et oui bien sûr c’est aussi l’aventure, la découverte, les sensations fortes, donc forcément les jeunes y sont particulièrement sensibles. Certains faisant même le choix de s’y installer, nous devons encourager ce mouvement.
Surpeuplées au XIXe siècle, désertées à la fin du XXe, les Pyrénées sont réinvesties depuis le XXIe siècle comme un immense terrain de jeu et de tourisme. Doit-on freiner ce développement au risque d’handicaper l’économie locale, où le favoriser au risque de poser des problèmes environnementaux ? C’est là tout l’enjeu de l’action publique. Je refuse le « tout ou rien », ou alors on abandonne tout de suite et le territoire régresse. Au contraire, je défends la conciliation, une écologie du bon sens. Oui nous pouvons concilier développement économique et transition énergétique, attractivité et respect de l’environnement, tourisme et préservation de la biodiversité. De fait, chacune de nos interventions doit être pensée au regard de son impact sur l’environnement, sur le cadre de vie, sur les activités de montagne. Je pense notamment au pastoralisme qu’il faut bien sûr préserver et accompagner. Notre pacte vert régional va justement dans ce sens, avec une action spécifique sur le foncier agricole. Il pose les bases d’un nouveau modèle de société, plus juste et plus durable. Chacun a sa place en montagne.
Vous ne craignez donc pas le tourisme de masse ? Globalement, les Pyrénées sont restées plus sauvages que les Alpes. Mais je partage le constat sur l’urgence qui nous fait face. On ne peut raisonnablement pas se dire « on continue, on change rien ». Bien sûr il convient d’inventer le tourisme du 21e siècle. Un tourisme 4 saisons et multi activités, plus responsable, plus vertueux, plus raisonné, c’est le sens de notre engagement. Mais attention aux phénomènes de diabolisation, aux postures radicales. Les premiers qui hurlent contre l’accueil de touristes ou de nouvelles implantations agricoles sont souvent des « néo-montagnols », qui ont parcouru la planète toute leur vie et qui à la retraite, ne veulent rien partager même pas le chant du coq ou les aboiements des chiens de la ferme….
Si nombre de communes pyrénéennes paraissent parfois endormies, il suffit de passer la frontière espagnole pour pénétrer dans des cités vivantes pleines de vie, de bistrots et d’activité. Comment y remédier ? Je serais moins sévère sur la comparaison. Il y aussi une différence culturelle. Certes nos communes pyrénéennes ont pu, comme de nombreuses zones rurales, souffrir d’un manque de dynamisme, notamment en raison du vieillissement de leur population. Mais en Espagne, les politiques publiques sont plus favorisées dans l’urbanisme, dans le soutien aux commerces, les lieux de rencontres. Depuis déjà plusieurs années, nous avons engagé avec les acteurs locaux une action globale pour inverser cette tendance. Avec par exemple notre dispositif Bourg-Centre qui permet de soutenir l’attractivité de ces communes et de développer une offre de services diversifiée, adaptée aux attentes des habitants. Cela passe aussi par la question des mobilités. Ces territoires doivent être desservis et connectés ! Je me bats pour la préservation du train jaune et pour la réouverture de la ligne Montréjeau-Luchon, qui verra circuler les premiers trains à hydrogène.
Le réchauffement climatique change-t-il la donne pour les Pyrénées ? C’est clairement une terre d’avenir ! C’est d’ailleurs le postulat de départ de notre Plan « Montagnes d’Occitanie – Terres de vie » adopté en 2018 : ces territoires ne sont pas des territoires en souffrance, mais bien des territoires à fort potentiel. Il y a dans nos montagnes les énergies et les idées pour imaginer collectivement un futur partagé. L’objectif, c’est de maintenir les populations, et d’attirer les jeunes générations.
La réintroduction de l’ours continue de diviser dans le pays, dans les Pyrénées, dans les villages et même dans les familles. Le comprenez-vous ? Je crois d’abord que l’on gagne toujours à dialoguer. Ma priorité, c'est la sauvegarde de l’agriculture de montagne. Sans elle, les paysages pyrénéens seraient profondément transformés. L’enjeu c’est donc la cohabitation. Elle a un coût pour les éleveurs, il faut maintenir les soutiens financiers spécifiques au pastoralisme. La cohabitation est possible mais elle s’organise, elle nécessite un suivi plus précis des populations d’ours ainsi qu’une meilleure communication de la part des services de l’Etat, et des mesures d’éloignement lorsque la pression en termes de prédation est trop forte sur les éleveurs.
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