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Logi Boudu magazine

Ginestous arrose le Stade – Stade Toulousain

Dernière mise à jour : 11 janv.

Un projet expérimental mené par la Métropole et le Bassin Adour-Garonne teste la réutilisation d’eau usée traitée (Reut) à Ginestous pour le nettoyage des rues ou l’arrosage des pelouses du Stade-Toulousain. Au-delà de sa dimension symbolique, la démarche promet des économies substantielles. 



Entre Minimes, Sept-deniers et Barrière-de-Paris, l’usine de dépollution de Ginestous-Garonne traite les eaux usées des locaux depuis le milieu des années 1950. Les Toulousains en hument parfois les émanations en roulant vitres ouvertes sur le périph, en courant au bord du canal latéral, ou en assistant à un match des Rouge et Noir dans les travées du Stade Ernest-Wallon voisin. 160 000 m3 d’eaux usées passent chaque jour par ses unités de dépollution, avant de retourner à la Garonne.


L'unité de réutilisation des eaux usées inaugurée en 2019
L'unité de réutilisation des eaux usées inaugurée en 2019. Photo: Sébastien Vaissière

À l’entrée du site, un vaste parking accueille les hydrocureurs. Ces engins de nettoyage de la voirie équipés d’une citerne et d’une pompe haute-pression tournent dans la métropole en quête de conduits et de canalisation à déboucher. Ils font partie de l’expérimentation Val’Réu menée par la Métropole et le Bassin Adour-Garonne. Leurs citernes ne seront bientôt plus remplies d’eau potable, mais d’eau usée traitée. Sur le parking, pourtant, les agents qui s’affairent ont d’autres chats à fouetter : « Par pitié, dites à vos lecteurs d’arrêter de jeter des lingettes dans les toilettes. Même celles que les fabricants indiquent comme spécialement étudiées pour ça. C’est la plaie, l’enfer, la merde ces trucs. Ça agrège toutes les graisses, tous les dépôts, et ça bouche tout. Même si c’est pas le sujet de votre papier, vous en parlerez ? Promis ? » Voilà. Promesse tenue.


Au milieu du groupe, Clotilde Fressinet. Ingénieure agronome. Elle est chef de projets innovation et prospective chez Asteo (Suez), la société dédiée au service de l’assainissement de Toulouse Métropole : « Ce sont mes héros, lance-t-elle. Personne ne fait attention à eux, mais leur travail est crucial et ingrat. »


Camion hydrocureur. Photo: Sébastien vaissière

En chemin vers l’unité de réutilisation des eaux usées, elle raconte comment l’usine de Ginestous a bâti ce programme expérimental dont l’objectif est simple : réutiliser 1% des eaux usées traitées dans l’usine pour poursuivre son traitement, et la mettre à disposition pour des utilisations ne nécessitant pas d’eau potable. L’eau destinée à cette utilisation bénéficie d’un traitement supplémentaire par rapport à celle restituée à la Garonne. Une ultrafiltration (moins de 0,01 micron), suivie d’une désinfection au chlore. On obtient ainsi une eau de catégorie A, c’est-à-dire non potable mais suffisamment sûre pour être autorisée pour la baignade.


La sélection des projets s’est faite après étude des usages à un kilomètre à la ronde autour de l’usine. 30 possibilités ont été envisagées avant la sélection finale des expérimentations au potentiel le plus intéressant : « La Reut, détaille Clotilde Fressinet, ce doit être du cas par cas, et de l’ultra local. Ce serait absurde de déployer des kilomètres de canalisations pour alimenter un point éloigné de l’usine en eau usée traitée. On a donc choisi de tester l’alimentation des citernes des hydrocureurs, l’installation d’une borne multiusages pour tous les agents du nettoyage de la voirie, l’arrosage des pelouses du Sade Toulousain et l’alimentation de ses sanitaires. »


En réalité, le Stade Toulousain ne sera pas le premier bénéficiaire de l’expérimentation. Le golf Garonne, lui aussi voisin, est relié à l’usine depuis l’ouverture de l’unité de Reut. Les premiers essais ont été chaotiques : les agents d’entretien de la pelouse n’ayant pas pris en compte la teneur en engrais de l’eau usée traitée, l’herbe a été brûlée par endroits. Pas suffisant pour faire marche arrière. Le golf a modifié sa méthode, et les choses sont rentrées dans l’ordre.


C’est que la chose vaut le coup, aussi bien en matière d’économie d’eau que du point de vue de l’image de marque : « La Reut correspond parfaitement aux attentes du public. Les études d’acceptabilité sociale que nous menons le prouvent. Si, par le passé, l’idée que leur golf soit arrosé avec de l’eau usée traitée aurait fait fuir les golfeurs, désormais, c’est un argument pour en attirer de nouveaux » analyse Clotilde Fressinet en ouvrant la porte coulissante de l’unité de Reut. Le petit bâtiment abrite un réseau de tuyaux, de tubes et de citernes par lesquels transite l’eau.


Photo: Sébastien Vaissière

Pour éviter que les jardiniers du Stade Toulousain ne connaissent les mêmes déboires que le golf Garonne, des tests de pelouse sont menés derrière le bâtiment, dans une parcelle à mi-chemin entre le potager et le terrain vague. Là, des universitaires et des chercheurs toulousains déterminent la méthode optimale pour arroser la pelouse spécifique d’Ernest Wallon avec l’eau de Reut. Expertise amplifiée par celle de l’association française des professionnels de l’eau et des déchets, et soumise à la méthode HACCP, créée dans les années 60 par la NASA pour garantir la sécurité des aliments des astronautes.


Étonnamment, le gros morceau de l’expérimentation ne concerne pas la pelouse, mais les toilettes. Le réseau qui alimente les sanitaires et les lavabos des Sept-Deniers est vétuste et sous-dimensionné au regard de la fréquentation les jours de grand match. Val’Réu pourrait changer la donne, à condition que la loi évolue : « Pour l’instant, aucun des usages de l’expérimentation Val’Réu n’est autorisé par la loi. Nous bénéficions d’autorisation dans un cadre expérimental. Pour les sanitaires du Stade Toulousain, nous allons monter un bâtiment préfabriqué et installer des toilettes à l’intérieur. Nous y effectuerons des études bactériologiques et mesurerons la qualité de l’air. Rien ne sera laissé au hasard !» promet Clotilde Fressinet, qui aimerait poursuivre l’expérimentation avec l’utilisation d’eau de pluie dans les toilettes stadistes. L’histoire ne dit pas s’il est prévu que le Stade remplace par de l’eau de Ginestous celle, bénite, répandue traditionnellement dans l’en-but adverse les soirs de finale.

 

Des subtilités de la Reut

La Reut est utile, nécessaire, mais très encadrée par la loi et limitée par certaines réalités. Robert Medina, vice-président de la Métropole chargé de l’eau et de l’assainissement, en sait quelque chose.


On dit partout que la France est à la traîne en matière de Reut. Pourquoi ? La législation y est extrêmement rigide. On ne peut pas arroser de pelouse ou alimenter les toilettes avec de l’eau usée traitée. C’est la raison pour laquelle la Reut ne représente qu’1% chez nous, contre 14% en Espagne ou 95% en Israël.


Si l’on s’y met désormais, c’est donc que la loi a changé ? Non, la loi est toujours la même, et nous avançons à titre expérimental. L’utilisation des eaux usées traitées pour nettoyer les rues ou alimenter les sanitaires est soumise à une autorisation de l’ARS qui est bloquée pour l’instant. Les expérimentations menées avec les universités toulousaines nous permettront de montrer que le système est viable et sûr, et contribueront à faire bouger la loi.


La Métropole a donc investi en 2019 dans une unité expérimentale sans certitude quant à l’évolution de la règlementation ? On se doute bien qu’après les déclarations d’Emmanuel Macron, qui fixe à 10% en 10 ans l’augmentation de la part de Reut, et le Plan eau de la Région Occitanie, la règlementation ne pourra qu’évoluer. C’est aussi une manière pour nous de montrer l’exemple.


Les économies sont-elles significatives ? La Métropole capte chaque année 500 millions de m3, principalement dans la Garonne, pour l’usage de ses 37 communes. Nous espérons économiser 800 000 m3 par an avec la Reut. Cela représente 8% des 10 millions de m3 d’économie prévus à l’échelle régionale par le Plan eau de Carole Delga. À cela s’ajoutent les économies réalisées par ailleurs. Nous avons doublé l’investissement relatif à la réparation des canalisations. Le rendement de la métropole est d’ailleurs déjà excellent, puisque nous avons moins de 12% de fuite sur le réseau. La moyenne française est à 20%, et en Occitanie de 25%.


Pourquoi s’arrêter là et ne pas chercher à généraliser la Reut ? Parce qu’après traitement à Ginestous, nous restituons l’eau dans la Garonne, et que la Garonne en a besoin ! On ne peut donc pas abuser de ce genre de choses ? Nous rejetons 45 millions de litres dans la Garonne chaque année. Dans les périodes d’étiage, cela pourrait poser problème de ne pas la relâcher.


C’est-à-dire ? En période d’étiage, de juin à septembre, sur une moyenne de débit de 52 m3 seconde, on prélève 2,07 m3 seconde, et on rejette 1,63 m3. Nous prélevons donc moins d’1% de ce que nous puisons dans la Garonne, et cela contribue à l’effort collectif du maintien du débit estival du fleuve.


Robert Medina, vice-président de la Métropole chargé de l'eau et de l'assainissement
Robert Medina, vice-président de la Métropole chargé de l'eau et de l'assainissement

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