Difficile de ne pas remarquer, lorsque l’on entre dans Revel, les bâtiments flambants neufs de Nutrition&Santé. Il faut dire que l’entreprise, depuis son installation en 1972 dans cette petite ville située dans le Lauragais, à la jonction des départements de la Haute-Garonne, de l’Aude et du Tarn, n’a cessé de s’étendre. À coups d’acquisitions, elle a vu son chiffre d’affaires croître pour atteindre, en 2017, 456 millions d’euros avec 45 % des volumes de vente du groupe réalisées hors de l’Hexagone. Une performance remarquable qui aurait pu inciter les différents décideurs de l’entreprise à se rapprocher de Toulouse, voire de Paris. Mais il n’en a rien été. « Être à Revel n’est pas un handicap, justifie Alain Chatillon, son fondateur. Lorsque l’on s’est lancés dans le soja, on s’est appuyés sur plus de 200 producteurs qui étaient basés dans le coin. Cela aurait été une ânerie de mettre des produits agroalimentaires dans une grande ville. » Lorsque Didier Suberbielle prend les rênes de l’entreprise en 2006, il ne juge pas pertinent de changer les choses : « La culture de N&S est définie par son siège social : on ne peut pas demander à une entreprise d’être fière de ses racines rurales, de ses filières agricoles, et l’installer dans une aire urbaine ». Il n’en demeure pas moins qu’en conservant son siège et une grosse partie de ses effectifs (800 sur 1 800) sur place, Nutrition&Santé a profondément bouleversé le paysage, pour ne pas dire l’histoire de Revel. Selon Alain Chatillon, maire de la commune jusqu’à l’an dernier, c’est près de 4700 personnes sur les 10 800 que compte Revel, qui vivent de N&S. Un chiffre colossal que Laurent Hourquet, Revélois pur jus devenu directeur général adjoint de N&S, ne cherche pas à minimiser : « Sans Alain Chatillon et N&S, Revel serait resté une petite bourgade. Elle ne serait pas devenue le centre dynamique d’une communauté de communes de 22 000 âmes ». Pour celui qui est par ailleurs délégué aux finances de la Ville, l’enracinement de N&S sur Revel a surtout permis d’attirer d’autres entreprises comme Karine&Jeff, les fondateurs de l’entreprise Le bonheur est dans le pot. « On a essayé de créer une sorte de Bio Nutrition Valley », résume-t-il.
Être à Revel était un gage de stabilité pour les repreneurs japonais.
Les choses auraient néanmoins pu en être autrement lors du rachat en 2009, par le groupe japonais Otsuka Pharmaceutical, du numéro 1 en Europe sur le marché de la diététique et de l’alimentation bio (Gerblé, Céréal bio, etc.). Mais contre toute attente, la direction nippone n’a pas non plus souhaité déménager le siège social. « Le fait que l’on soit installé ici était un élément positif pour eux, se souvient Didier Suberbielle. C’était un gage d’authenticité. »
Laurent Hourquet va plus loin : « Je pense qu’ils ne nous auraient pas achetés si l’on avait été basés en région parisienne. Être à Revel était un gage de stabilité pour eux ». Mais aussi d’économie en matière foncière : « Les terrains sont disponibles et beaucoup moins chers qu’à Paris. Dans une entreprise qui a la volonté de croître comme N&S, c’est important. Et puis c’est ici que sont nos zones d’approvisionnement ».
Elle est où la Fnac ?
Il n’y aurait donc que des avantages à être basé à Revel ? Pas tout à fait pour Didier Suberbielle qui ne cache pas avoir rencontré des difficultés à recruter, notamment pour les services marketing ou R&D : « Le modèle privilégié par les jeunes est celle de la start-up urbaine. Ils s’identifient peu à une entreprise dont le siège est basé dans la ruralité. Attirer des jeunes célibataires avec de l’ambition à Revel, ce n’est pas possible ». D’où un décalage gênant pour l’ancien PDG de Nutrition&Santé : « Nos produits s’adressent à une cible de plus en plus jeune. Or il me semble que l’on est davantage en prise directe avec la société de demain en vivant à Toulouse que dans une maison à 10 bornes de Revel ». La solution aurait pu consister à séparer les activités. Hypothèse que le fondateur Alain Chatillon avait, en son temps, toujours écartée : « Une entreprise, c’est un tout. Le jour où vous séparez la partie marketing de la fabrication, vous cassez tout ». Une option maintenue par son successeur, attaché à « l’unité territoriale de l’entreprise ». Laurent Hourquet précise : « Dès que l’on commence à excentrer certaines activités, on perd de la fluidité et de l’efficacité. Et puis la question se pose de moins en moins grâce aux outils digitaux et Soft Office ».
Le directeur général adjoint de N&S n’occulte ni la réalité des chiffres – 50 % des cadres vivent sur la métropole toulousaine – ni les déceptions rencontrées par certaines recrues : « On me dit parfois en arrivant : “Elle est où la Fnac ?”». Mais bon an, mal an, le choix s’avère payant : « C’est sûr que Revel, c’est un choix de vie. Mais on s’aperçoit que l’on a un plus faible turn-over qu’à Toulouse ». Une satisfaction en partie due aux investissements importants consentis pour proposer des locaux agréables aux salariés. « À être à Revel, autant être bien, résume Didier Suberbielle. On a investi sur le fait que les gens soient contents de leurs conditions de travail. Du coup, on a un taux de burn-out très bas. »
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