L’Occitanie est la deuxième région de France pour la production d’eau de source. Danone, Ogeu, Nestlé y puisent certaines des eaux les plus fameuses du pays. Or bleu qui par le jeu des modifications du chemin emprunté par les eaux souterraines, pourrait bien se tarir ici pour surgir ailleurs…
Un trésor caché ? l’Occitanie est réputée pour ses productions viticoles et son industrie aéronautique. Pourtant, ce territoire de 73 000 km2 regorge d’or bleu. L’hydro-électricité assure par exemple 27% de sa production d’électricité. Ce qui est loin d’être négligeable pour un territoire qui ambitionne d’être la première région à énergie positive d’ici 2050. Elle est aussi la deuxième région de France pour la production d’eau de source, avec une vingtaine d’entités différentes installées ou en projet. L’une des plus connues La Salvetat, qui appartient au groupe Danone – dispose d’un site d’embouteillage à La Salvetat-sur-Agout (Hérault), bien qu’elle ait abandonné récemment un autre projet d’exploitation sur la commune de Murat-sur-Vèbre (Tarn). Le groupe Nestlé Waters exploite quant à lui la source de Vergèze, dans le Gard, source du célébrissime Perrier. Un autre géant français, le groupe Ogeu produit dans la région l’eau minérale naturelle de Quézac (Lozère) : « C’est une eau d’origine volcanique, qui se minéralise au contact du magma. Nous estimons que les premières civilisations qui ont utilisé l’eau de Quézac, uniquement pour des usages médicaux, datent de – 1000 à – 500 avant Jésus Christ. Désormais entre 25 000 et 30 000 bouteilles sont produites quotidiennement », raconte Camille, qui organise les visites au sein de la source de Quézac pour le compte du Syndicat Mixte des Eaux Minérales de Quézac et Ispagnac. Le groupe Ogeu a renforcé ses positions en Occitanie en reprenant en 2022 l’exploitation des Eaux de Luchon. D’autres eaux emblématiques sont aussi puisées en Occitanie, telles l’eau Mont Roucous, L’Eau Rosée de la Reine, et L’eau de Montcalm.
Sources en mouvement
Nouvelle preuve de l’attractivité du territoire en la matière, une nouvelle entreprise, La Compagnie des Pyrénées (voir ci-contre) s’est installée en 2021 en l’Ariège. Elle commercialise L’Eau Neuve, une eau minérale naturelle. Enfin, du côté de Montagnac, dans l’Hérault, un projet d’usine d’embouteillage est à l’étude, par la société Alma (propriétaire de Cristalline).
Pourquoi tous les géants de l’agro-alimentaire français se pressent-ils en Occitanie ? « La configuration géologique est propice à la création d’eaux minérales. Les sources thermales font par ailleurs la réputation du territoire à Luchon, Ax-les-Thermes, Bagnères-de-Bigorre, etc. », explique le pédologue Laurent Rigou. « L’Occitanie est un territoire très vaste qui rassemble d’importantes chaînes montagneuses, avec particulièrement les Pyrénées et le Massif Central. En général, ces eaux minérales sont issues de circulations de l’eau au travers de ces roches. Mais pour y avoir accès, il faut de grandes failles dont l’apparition est conditionnée à des accidents tectoniques, qui pour certains ont permis la formation des massifs montagneux », ajoute Josselin Berthelon, hydrogéologue au sein du cabinet toulousaine Eaucéa.
Dans un contexte de dérèglement climatique, cette eau – qui se minéralise au contact de la roche avant d’être puisée par l’intermédiaire d’un forage – pourrait néanmoins se déplacer : « La quantité totale d’eau qui va tomber dans le futur sera sensiblement similaire, mais les trajets de l’eau dans les sous-sols se modifient. Par conséquent, les sources d’eau minérale pourraient s’amenuiser voire disparaître, et surgir ailleurs », partage Laurent Rigou. Ces mouvements naturels dans les roches pourraient remettre en cause la carte économique actuelle des sources. Ce constat, connu des professionnels de l’agroalimentaire, pourrait ainsi expliquer le forage exploratoire de Danone pour La Salvetat, sur la commune de Murat-sur-Vèbre et le comportement d’autres professionnels qui cherchent de nouvelles sources. En attendant, certains jouent la carte de la résilience, à l’image de Mont Roucous qui a annoncé l’arrêt de la production de bouteilles petit format pour diminuer la consommation de plastique, et préserver sa source dont le débit est en tension. Serait-ce le début de la course à l’or bleu dans l’Hexagone ?
Eau de gamme
On ne parle que d’elle depuis deux ans. La marque ariégeoise Eau Neuve, distribuée par La Compagnie des Pyrénées, est la dernière arrivée sur le marché de l’eau en Occitanie.
Elle est arrivée sur le marché en faisant sensation. La marque ariégeoise Eau Neuve, distribuée par La Compagnie des Pyrénées, a fait des curieux en distribuant son eau dans… une petite bouteille en carton (en format 33 et 50 cl), grâce à un contrat d’exclusivité pour la France avec le groupe Tetra Pak. « C’est une eau minérale naturelle embouteillée telle qu’elle sort du sol », tient à souligner Sébastien Crussol, le cofondateur de l’entreprise. Par son contenant original et son positionnement (eau) de gamme, grâce à un PH neutre, Eau Neuve est distribuée dans les bars des TGV inOui de la SNCF, certains palaces de la Côte d’Azur, ou au restaurant d’Airbus. Le Conseil régional d’Occitanie la met en avant sur tous ses événements après avoir investi trois millions d’euros dans ce projet industriel.
Depuis son usine flambant neuve de Mérens-les-Vals, où est embouteillée la matière première puisée à 1 332 mètres d’altitude à la source de Pédourès, Eau Neuve distribue chaque année 32 millions de bouteilles en carton. Portée par cette dynamique, l’industriel a fait sensation ces dernières semaines en annonçant la commercialisation de son eau dans des petites gourdes en aluminium : « parce que c’est recyclable à l’infini », ajoute Sébastien Crussol soucieux d’incarner « une eau à impact positif ». C’est aussi cette volonté qui a guidé La Compagnie des Pyrénées dans le choix du format Tetra Pak, contenant constitué de 90% de matières renouvelables qui a déjà séduit les clubs de football du PSG et de l’Inter Milan, ainsi que des franchises américaines de base-ball. Le cofondateur rêve secrètement des Jeux Olympiques de Paris. La seule ombre au tableau pour Eau Neuve et sa cinquantaine de salariés dans sa jeune histoire ? Son absence dans la grande distribution. « Il nous faudrait 70 commerciaux qui sillonnent en permanence la France. Pour l’instant, nous n’avons pas les moyens », regrette-t-il. Malgré ce point noir, l’entreprise table sur un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2023.